Par Minaz Kerawala, Conseiller en communication et relations publiques
Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu une ordonnance historique de mesures conservatoires dans le cadre de l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël pour l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza.
La CIJ a observé que l’opération militaire israélienne en cours « fait un nombre considérable de victimes civiles et cause des destructions massives d’infrastructures civiles et le déplacement d’une très large majorité des habitants de Gaza ».
Le carnage continue
Les chiffres confirment l’observation de la CIJ. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) fait état de 27 840 morts, 67 317 personnes blessées et 1,7 million déplacées, plus de 360 000 maisons endommagées ou détruites, une coupure totale d’électricité et 2,2 millions de personnes exposées à un risque imminent de famine dans la bande de Gaza (voir rapport en anglais).
Notamment, le nombre de morts a augmenté de plus de 1 400 et le nombre de personnes blessées de plus de 2 200 par rapport aux chiffres signalés par l’OCHA juste après l’ordonnance de la CIJ (voir rapport en anglais). Il est clair que la décision contraignante de la Cour, selon laquelle Israël doit « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir » les meurtres et les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de la population de Gaza, est ignorée de manière flagrante (voir article en anglais).
Les incohérences du Canada
Dans l’attente d’une décision finale qui pourrait prendre des années, la CIJ a estimé que « le droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés » ainsi que « le droit de l’Afrique du Sud de demander qu’Israël s’acquitte des obligations » à la convention sur le génocide « sont plausibles ».
Malheureusement, le gouvernement du Canada ne semble pas avoir saisi la clarté et la gravité de cette conclusion. Réagissant à l’ordonnance, la ministre des affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré : « Notre soutien à la CIJ ne signifie pas que nous acceptons les prémisses de l’affaire portée par l’Afrique du Sud. »
Cette position contraste fortement avec celle du Canada dans l’affaire opposant la Gambie au Myanmar devant la CIJ. Faisant preuve d’une solidarité louable avec le peuple persécuté des Rohingyas, le Canada avait soutenu l’affaire, déclarant qu’elle avait été « légitimement porté devant la CIJ ». Le Canada s’est également réjoui que la CIJ ait ordonné au Myanmar, en 2020, de prendre un certaine nombre de mesures provisoires identiques à celles exigées d’Israël, et il est même intervenu dans l’affaire.
Un nouveau coup dur pour la population de Gaza
Comme s’il ne suffisait pas de saper l’ordonnance de la CIJ, le jour même où elle a été rendue, le Canada a interrompu son financement à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Cette décision fait suite à une grave allégation israélienne selon laquelle une douzaine d’employés de l’UNRWA auraient participé aux attaques répréhensibles du Hamas du 7 octobre 2023. Il convient toutefois de noter que les mécréants présumés, qui ont été immédiatement licenciés (voir communiqué de presse en anglais), représentaient moins de 0,04 % des plus de 30 000 employés de l’UNRWA (voir page web en anglais) et que des doutes ont été émis quant aux preuves étayant ces allégations.
Dénonçant la décision du Canada et d’autres pays, 28 ONG internationales de renom ont déclaré conjointement : « La suspension des financements par des pays donateurs va avoir une incidence sur l’aide vitale apportée à plus de deux millions de civils, dont plus de la moitié sont des enfants, qui dépendent tous de l’aide de l’UNRWA à Gaza. »
Le Canada a par la suite annoncé le financement d’autres organisations. Toutefois, comme l’ont affirmé les responsables de diverses agences des Nations Unies, « Aucune autre entité [que l’UNRWA] ne dispose des capacités nécessaires pour fournir une assistance d’une telle ampleur et étendue, dont 2,2 millions de personnes à Gaza ont besoin de toute urgence. »
Ce que nous réclamons
Compte tenu de ces récents développements, Développement et Paix ― Caritas Canada intensifie son plaidoyer. Réitérant notre condamnation sans équivoque du meurtre de personnes innocentes de la population civile par le Hamas, nous appelons résolument le Canada et la communauté internationale à déployer tous les moyens nécessaires pour obtenir immédiatement :
- Un cessez-le-feu permanent et total mettant fin à toutes les hostilités et à la violence dans les territoires palestiniens occupés et en Israël ;
- La libération des otages et des prisonniers, y compris les Israélien·ne·s kidnappé·e·s et les Palestinien·ne·s injustement incarcéré·e·s ;
- La mise en place de couloirs sécurisés permettant à l’aide humanitaire et aux travailleuses et travailleurs humanitaires d’atteindre librement et en toute sécurité les personnes dans le besoin ;
- La reprise et l’augmentation du financement de l’UNRWA ;
- La cessation de toute aide militaire à Israël, y compris la fourniture d’armes, de munitions, de systèmes d’armes et de composants d’armes ;
- Un processus de paix sous médiation internationale afin d’ouvrir la voie à la coexistence des peuples israélien et palestinien, dans le respect des droits humains, de la dignité et des justes aspirations de toutes et de tous.
L’appel à un embargo sur les exportations d’armes, en particulier, a été lancé conjointement avec plus de 40 autres organisations de la société civile canadienne dans une lettre ouverte à la ministre Joly. Cette lettre fait écho à un appel similaire lancé à la communauté mondiale par une coalition de 16 organisations humanitaires internationales.
Nos recommandations sont particulièrement urgentes compte tenu de la propagation régionale du conflit et de son impact croissant sur les pays voisins comme le Liban. Notre position tire sa confiance et son assurance morale de son alignement sur les récentes déclarations du pape François, notamment son appel « à un cessez-le-feu sur tous les fronts » et sa demande pour « que la population palestinienne reçoive une aide humanitaire et que les hôpitaux, les écoles et les lieux de culte bénéficient de toute la protection nécessaire ».
Nous partageons également la conviction du Saint-Père que « la voie de la paix exige le respect des droits humains » et qu’elle passe par le dialogue politique, social et interreligieux.
Comment les Canadiennes et les Canadiens peuvent aider
Nous nous joignons au cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, pour exhorter les Canadiennes et les Canadiens à continuer à répondre par la prière, le plaidoyer et la générosité.
Si vous ne l’avez pas encore fait, pensez à signer la pétition #CeasefireNow. Faire part de nos revendications à votre député·e est également un puissant exercice de citoyenneté. Trouvez votre personne députée en ligne et consultez notre guide avant de la rencontrer ou de la contacter.
Nos sœurs et frères de Gaza ont également des besoins plus urgents. Depuis le début du conflit actuel, il y a plus de quatre mois, ils ont toujours été soutenus par notre partenaire Caritas Jérusalem, dont le secrétaire général, Anton Asfar, a envoyé la vidéo suivante pour demander de l’aide afin de « mettre l’amour en action ».