« CULTIVONS NOS DROITS » Un mois d’action pour la souveraineté alimentaire

À l’école de mon aînée, on achète un premier panier local de légumes biologiques et un deuxième est offert aux personnes moins fortunées du quartier pour la guignolée. Cet été, le quart des récoltes au jardin communautaire leur était aussi destiné. Ces « petites initiatives collectives » sont des bons exemples pour illustrer un enjeu encore trop négligé, soit le droit de chacun·e de manger « sain et à sa faim »… et de notre devoir citoyen de nous en assurer.

Par Philippe Lafortune, animateur régional pour le Centre et Sud du Québec

Comme on l’a vu et vécu pendant la pandémie du Coronavirus, les crises sanitaires et humanitaires viennent aggraver les conditions déjà précaires de femmes, d’hommes et d’enfants aux quatre coins du globe. Si nous avons vu ici aussi les prix augmenter en épicerie, ils ont doublé, sinon décuplé ailleurs. Quand on peine déjà à nourrir les siens, comment faire quand les prix sont multipliés par trois comme en Somalie ?

Si on dit que novembre est gris, les Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) ont permis de jeter la lumière sur un enjeu essentiel, existentiel : la souveraineté alimentaire. Autrement dit : le droit des peuples à définir ses propres politiques agricoles, à disposer de ses propres ressources naturelles et à profiter d’une alimentation saine dans le respect des communautés, de leurs écosystèmes et de leurs cultures propres.

Voilà déjà dix ans, notre campagne Parce qu’on Sème soulignait comment la petite agriculture familiale nourrit le monde – 80 % de la population mondiale, littéralement. Or, les règles et procédures actuelles du commerce international menacent ces petites exploitations locales et familiales pour faire place aux monocultures d’exportation, à la pollution des écosystèmes, à l’accaparement des ressources et des profits.

Pour freiner, arrêter, sinon inverser cette tendance, Développement et Paix – Caritas Canada s’est joint comme chaque année à l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) pour organiser des activités publiques de sensibilisation et de mobilisation à travers tout le Québec sur les questions cruciales du droit à l’eau, à la terre, à l’alimentation, à la santé, à la vie.

Cultivons nos droits

L’événement Luttes paysannes d’ici et d’ailleurs, organisé avec le Centre international de Solidarité ouvrière (CISO), le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) et Solidarité Laurentides Amérique centrale (SLAM), a ainsi réuni un panel de partenaires du Mexique, d’Haïti, du Guatemala et du Honduras pour mieux comprendre comment la souveraineté alimentaire [est] menacée par les transnationales.

Elvin Hernandez, enquêteur à l’Équipe de réflexion, d’investigation et de communicationRadio Progreso, a ainsi pu exposer l’irrationalité de l’extractivisme au Honduras à la lumière du cas de la communauté de Guapinol qui lutte pour la défense de ses rivières, de la vie et de son territoire face à l’exploitation minière illégale dans un parc national et à la monoculture intensive de la palme dans la région.

Ces modèles économiques, malheureusement très répandus dans les pays où nous travaillons, excluent les communautés locales des décisions – et des redevances –qui les concernent pour plutôt alimenter notre société de [sur]consommation et, un système inéquitable aussi peu viable que durable. Si chaque cas est unique, on observe ici comme ailleurs une tendance chronique au détournement des ressources et à la concentration des richesses.

La veille de ce panel, notre chargée de programmes pour le Brésil et la Colombie, Anne Catherine Kennedy, a aussi pu faire état des points de vue des suds lors d’un webinaire sur La souveraineté alimentaire. La semaine précédente, l’événement La souveraineté alimentaire, cultivons-la !apermis aux participant·e·s de tester et d’approfondir leurs connaissances sur les enjeux liés au droit à la terre et à l’alimentation.

Souveraineté alimentaire appliquée

Par-delà les seules statistiques, c’est là une question de [sur]vie, sinon de mort, pour des millions de femmes, d’hommes et d’enfants comme les nôtres. C’est aussi une question de conscience et de solidarité pour les membres et ami·e·s de Développement et Paix – Caritas Canada qui appuient depuis 55 ans les projets de développement durable des organisations locales partenaires solidement ancrées dans leurs communautés.

Au Sahel, affligé par l’instabilité politique, économique et climatique, notre projet de sécurité alimentaire soutient la gestion durable et inclusive des ressources naturelles, ainsi que la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles, forestiers et halieutiques. Des 100 000 personnes participantes au Burkina Faso, au Mali et au Niger, quatre sur cinq sont des femmes et la moitié ont entre 18 et 35 ans.

Au Burundi, notre projet de trois ans annoncé cet automne permettra à 7 000 personnes d’adopter l’agroécologie pour mieux s’adapter aux changements climatiques et subvenir à leurs besoins de base. En Somalie, où la pire sécheresse en 40 ans menace de famine la moitié de la population, l’appui à notre partenaire Trócaire outillera notamment près de10 000 parent·e·s et soignant·e·s en matière de nutrition.

Plus près de chez nous, six familles d’agricultrices et agriculteurs de Saskatchewan s’engageaient cet été à cultiver 421 acres de récoltes pour en faire don aux familles souffrant de malnutrition en Somalie, à travers le projet de culture de la Banque canadienne de grains qui appuie aussi notre partenaire Trócaire et qui a participé à la visite de solidarité de notre équipe des programmes internationaux en mai dernier.

Les exemples de solidarité sont à la mesure des besoins sur le terrain : nombreux. Le nouveau site de Développement et Paix – Caritas Canada mis en ligne cet automne offre d’ailleurs un aperçu de nos activités au Canada et de nos projets dans le monde – autant d’initiatives porteuses où chacun·e de nous peut s’informer et s’impliquer.

S’informer et s’impliquer

Comme on protège mieux ce qu’on apprécie, qu’on combat mieux ce qu’on connait et comprend, l’éducation constitue vraiment la clef du développement, ici comme au Sud. Les 28e JQSI de novembre dernier ont offert une foule d’activités en présentiel et en virtuel, mais l’engagement en faveur des changements nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire de tou·te·s se poursuit à l’année dans nos communautés.

Afin de sensibiliser et de mobiliser les gens, et particulièrement les jeunes face, aux enjeux de la souveraineté alimentaire, de la faim dans le monde et des solutions de la solidarité, l’AQOCI propose ainsi l’animation jeunesse intitulée Nous sommes la transition. Développement et Paix – Caritas Canada offre également plusieurs activités éducatives comme le jeu d’art alimentaire et ses fameuses trousses pédagogiques.

Les ressources audiovisuelles de Développement et Paix – Caritas Canada, comme celles de ses partenaires (ACA en Colombie, ERIC au Honduras, etc.), constituent aussi une mine d’information à découvrir et partager. Toujours d’actualité, le documentaire Sur la route de la souveraineté alimentaire brosse par exemple le portrait des progrès accomplis deux ans après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a dévasté Haïti.

Plusieurs actions individuelles contribuent déjà à assurer notre propre souveraineté alimentaire comme celle de nos sœurs et frères partout sur cette planète : achat local, biologique, équitable; réduction du gaspillage alimentaire; exigence d’une loi fédérale sur la diligence raisonnable des entreprises pour protéger les communautés et les écosystèmes dont elles dépendent pour assurer leur subsistance et leur survie.

Nous sommes Solidaires pour la Terre en 2023 et nous Cultivons nos Droits en 2024. Ce deuxième volet de notre campagne quinquennale Nourrir l’Espoir nous conduira l’an prochain à la rencontre de nos partenaires de Bolivie, d’Indonésie, de Tunisie et du Nigeria.

Notre souveraineté alimentaire comme celle de nos sœurs et nos frères nous appelle à choisir nos modes de consommations pour qu’ils respectent les communautés et les écosystèmes qui produisent les aliments que nous consommons. Les droits et la démocratie ne sont jamais acquis. C’est comme la terre, les champs et le jardin, l’esprit, l’amour et l’espoir : ça se cultive – en commun, au quotidien.

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