Le sommet de la COP25 venait couronner une année extraordinaire de mobilisation sur le climat.
Développement et Paix — Caritas Canada est déçu de l’incapacité des leaders internationaux à prendre en compte les appels des citoyens et des scientifiques lors de la 25e Conférence des parties (COP25) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue à Madrid du 2 au 13 décembre 2019.
Le sommet de la COP25 venait couronner une année extraordinaire de mobilisation sur le climat. Partout dans le monde, des enfants et des jeunes ont mobilisé des millions de personnes dans les rues, et les scientifiques ont réitéré, dans des rapports de plus en plus alarmants, que nous faisons face à des changements climatiques catastrophiques, dont les plus graves conséquences seront vécues par les plus pauvres, les plus vulnérables, et les générations à venir.
Des attentes élevées
À la COP25, des progrès ont été réalisés quant au Plan d’action sur le genre, qui doit veiller à ce que la stratégie globale sur le climat inclue une perspective de genre. Les pays signataires devaient aussi négocier les modalités de l’article 6 de l’Accord de Paris, visant à réduire les gaz à effet de serre par un système de marché du carbone qui fixe une limite aux émissions de carbone et permet aux pays et aux entreprises à faible émission de vendre des crédits carbone à de plus gros émetteurs.
Pour s’assurer que ces marchés du carbone entraînent des réductions nettes d’émissions, avec un minimum d’effets négatifs, les négociateurs devaient définir des règles claires pour une comptabilité transparente et équitable des émissions de carbone et inclure aussi des garanties pour les droits humains et les droits des peuples autochtones.
Une partie des profits de ces marchés de carbone doit servir à aider les pays les plus pauvres à s’adapter aux répercussions injustes et disproportionnées du changement climatique. Les petits États insulaires, menacés de manière imminente par la montée des océans, ont mis beaucoup de pression pour des normes d’échange de carbone plus rigoureuses, et davantage de financement pour l’adaptation.
Peu de résultats
Contrairement à ces attentes, plusieurs pays riches ont plutôt cherché des échappatoires aux règles des marchés de carbone et priorisé l’exploitation des combustibles fossiles, plutôt que l’avenir de la planète et de ses habitants. Au final, le résultat est un compromis minimal, édulcoré, qui laisse un vaste écart entre les actions des gouvernements et les demandes de citoyens et de scientifiques pour des gestes immédiats et ambitieux afin de sauvegarder notre maison commune.
On n’y retrouve aucun des engagements ambitieux qui auraient permis de limiter la hausse des températures à 1,5°C. Et, plutôt que d’augmenter le financement de mesures d’adaptation pour aider les pays en développement à protéger l’avenir et les modes de vie de leurs citoyens, la COP25 s’en est tenue à un vague énoncé rappelant les engagements existants.
Autre élément décevant : l’absence de progrès sur le Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices – qui vise à créer un fonds international afin de compenser les pays les plus pauvres pour les dommages causés par les changements climatiques qui ne peuvent être atténués par des mesures d’adaptation.
Un accord sur les règles du marché du carbone a été reporté à l’an prochain, au sommet de la COP26 qui se tiendra à Glasgow au Royaume-Uni. Il est évident que les négociateurs n’ont pas saisi l’urgence de protéger la planète par des politiques transformatrices permettant de réduire les émissions de carbone et d’entamer la transition économique vers des énergies propres et renouvelables.
Les catholiques rappellent l’impératif moral
En plus du Vatican qui avait un siège officiel à la table de négociation, la présence catholique à la COP25 incluait Développement et Paix, la CIDSE, Caritas Internationalis et le Mouvement catholique mondial pour le climat. Les organisations catholiques ont aussi été très présentes lors de la Marche du peuple pour le climat le 6 décembre. Derrière une bannière qui disait, en espagnol, « les catholiques pour la sauvegarde de notre maison commune », une énorme délégation de catholiques a marché au cœur de Madrid, aux côtés de plus de 500 000 personnes exigeant des négociateurs des réponses audacieuses à cette crise climatique.
Un fort contingent de catholiques a rejoint la Marche du peuple pour le climat à Madrid le 6 décembre 2019.
Ce niveau d’intérêt et d’engagement des catholiques n’est pas surprenant dans le contexte où l’Église défend sans relâche la cause du climat, d’abord avec l’encyclique du pape François, Laudato Si’, puis avec le synode sur l’Amazonie. Les catholiques prennent à cœur cet appel du pape à une conversion écologique, qui commence dans notre vie de tous les jours, mais doit se poursuivre dans les actions de nos gouvernements.
Dans sa lettre au sommet de la COP25, le Saint-Père a demandé aux négociateurs « d’écouter la science », et « ces jeunes gens qui envahissent les rues partout dans le monde ». Les négociateurs de la COP25 ont aussi entendu des messages de représentants des peuples autochtones, des États insulaires et des communautés affectées, qui ont témoigné des pires impacts du chaos climatique : conflits armés, insécurité alimentaire, migrations forcées. Ignorant l’impératif moral de s’attaquer à ces problèmes, les nations les plus riches ont choisi de ne pas respecter leur engagement à réduire leurs émissions, à aider les plus pauvres à s’adapter aux changements climatiques et à compenser les pertes causées par les changements climatiques.
La promesse du Canada – faire en sorte qu’elle soit respectée
Fait plutôt encourageant, le Canada a exercé un certain leadership au cours de la COP25. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, s’est engagé à renforcer en 2020 les engagements pris par le Canada dans l’Accord de Paris. Il a promis de légiférer pour atteindre la cible zéro émission d’ici 2050, avec des cibles intermédiaires aux cinq ans, et d’entamer une « transition juste » afin de sortir de la production de combustible fossile de façon équitable pour les travailleurs et les communautés. Il a aussi plaidé pour le renforcement des règles de l’article 6 pour des réductions d’émissions plus efficaces et une meilleure protection des droits humains et des droits des peuples autochtones.
Les lettres de mandats du premier ministre Justin Trudeau pour son nouveau cabinet suggèrent aussi que le gouvernement fédéral envisage une stratégie ambitieuse pour le climat, qui exigera aussi des actions ambitieuses des gouvernements provinciaux.
En plus de suivre les avancées de cette importante démarche à l’échelle mondiale, vous pouvez aussi aider Développement et Paix à soutenir les protecteurs et les protectrices de la forêt amazonienne en vous associant à notre campagne Pour notre maison commune. Il nous incombe à toutes et à tous, ici au Canada ou ailleurs dans le monde, de continuer de nous mobiliser et de pousser nos gouvernements à agir véritablement pour le climat.