Pérou – Le Congrès fait reculer les lois environnementales protégeant l’Amazonie. 

Cette déclaration a d’abord été publiée en espagnol sur la page Facebook de notre partenaire péruvien, la Comisión episcopal de acción social. Elle est reproduite ici avec leur autorisation.

Introduction par Mary Duran, chargée de programmes au Pérou.

En 2018, le pape François a posé le pied à Puerto Maldonado, ville reculée de l’Amazonie péruvienne, et a appelé à rompre avec le « paradigme historique qui considère l’Amazonie comme une réserve inépuisable des États sans prendre en compte ses populations ».  

Malheureusement, presque six ans plus tard jour pour jour, sans aucune consultation préalable avec les peuples qui habitent cette région à la biodiversité très riche, le Congrès péruvien a approuvé des modifications à la loi sur les forêts et la faune sauvage qui a été surnommée « loi sur la déforestation » par nos partenaires de la société civile et de l’Église.  

La loi 31973 légalise des activités agricoles en Amazonie qui ne peuvent être menées qu’après la déforestation de zones précédemment protégées.  Elle met en danger les populations autochtones de l’Amazonie qui n’ont jamais été atteintes, qui sont très vulnérables aux maladies apportées par les étrangers et qui ont pleuré l’assassinat de 33 de leurs dirigeants au cours des dix dernières années. Enfin, elle fait courir un risque accru aux communautés dont les terres n’ont toujours pas de titres de propriété.  

La législation a également été condamnée par la Coordination nationale des droits humains et par les évêques de l’Amazonie péruvienne. Même l’ambassade du Canada s’est inquiétée du fait que la nouvelle loi pourrait ne pas être cohérente avec les engagements pris par le Pérou en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup se souviendront que le Pérou a accueilli la COP 20 à Lima en 2014, où le gouvernement s’est tenu sur la scène mondiale et a rallié les États pour aider à refroidir la planète.    

La déclaration de nos partenaires est reproduite ci-dessous. Pour lire la version originale en espagnol, cliquez ici.

LE PAPE FRANÇOIS : « ARRÊTEZ DE DÉTRUIRE LES FORÊTS, LES ZONES HUMIDES ET LES MONTAGNES ». 

NOUS RÊVONS D’UNE AMAZONIE ET DE SES PEUPLES SANS DANGER, C’EST POUR CELA QUE NOUS REJETONS LES MODIFICATIONS À LA LOI FORESTIÈRE ET QUE NOUS EXIGEONS SON ABROGATION. 

Les équipes pastorales qui forment le Réseau pastoral des peuples autochtones et de l’écologie intégrale au Pérou (Red Pastoral Pueblos Indígenas y Ecología Integral en el Perú), compte tenu de la récente promulgation de la loi 31973, qui modifie la loi 29763, la loi sur les forêts et la faune sauvage, et qui approuve des dispositions complémentaires visant à promouvoir le zonage forestier, déclarons ce qui suit : 

  1. Nous regrettons que, par une manœuvre politique illégale, le président du Congrès ait contourné le processus de deux révisions et publié le texte de la loi susmentionnée, perpétrant ainsi une attaque pernicieuse contre l’Amazonie qui met en péril notre maison commune, plaçant les intérêts économiques au-dessus des personnes et de la nature, dont nous faisons partie. 
  1. La loi N° 31973, facilite l’accès aux forêts amazoniennes, en légalisant les activités agricoles menées en raison de la déforestation illégale des forêts protégées dans les territoires autochtones, les réserves autochtones des peuples en situation d’isolement volontaire et de premier contact, et même dans les zones protégées, ce qui permet d’étendre la frontière agricole. Ceci ne soutient pas les petits agriculteurs comme on le dit, mais favorise fondamentalement les grandes entreprises, la monoculture pour la production d’huile de palme, et les activités illégales de trafic de drogue, d’exploitation minière et forestière illégales, avec les impacts qu’elles génèrent également dans l’aggravation des changements climatiques et de la violence, comme cela se produit actuellement dans notre pays frère, l’Équateur. 
  1. La loi N° 31973, en permettant la « légalisation » d’activités économiques illégales dans les territoires amazoniens, expose les défenseurs de l’environnement et du territoire à des risques accrus, en particulier les peuples autochtones amazoniens et les peuples autochtones en isolement volontaire et en premier contact, qui sont les « gardiens des forêts et de notre maison commune », qui protègent notre Amazonie et qui comptent 33 personnes assassinées au cours des 10 dernières années, ce qui prouve que les protocoles visant à les protéger ne fonctionnent pas. Il s’agit de crimes contre l’Amazonie et ses défenseurs. 
  1. De même, la loi cherche à favoriser certains groupes et intérêts bénéficiant d’une « sécurité juridique », alors que 710 communautés autochtones d’Amazonie n’ont pas de titres de propriété et que leurs territoires ont été envahis pour mener à bien ces activités agricoles, parce qu’elles ne bénéficient pas d’une « sécurité juridique ». L’attribution de titres de propriété et la consultation préalable sont des tâches que l’État péruvien est tenu de reconnaître et de réaliser, comme le prévoient la convention 169 de l’Organisation internationale du travail et la loi N° 29785, loi sur la consultation préalable au Pérou. Nous rappelons que l’objectif ultime de l’État péruvien dans la Constitution est la défense de la personne humaine et le respect de sa dignité. Il ne s’agit pas d’autre chose. 


Pour toutes ces raisons, nous adoptons les rêves du pape François dans l’exhortation apostolique « Chère Amazonie », qu’il a partagée avec nous à Puerto Maldonado en 2018 lors de sa visite au Pérou, dans notre propre Amazonie dévastée et consumée par les monocultures des grandes entreprises, par les marées noires et l’exploitation des hydrocarbures, par les activités économiques illégales du trafic de drogue, de l’extraction minière et de l’exploitation forestière, c’est pourquoi nous disons : 

  • Je rêve d’une Amazonie qui lutte pour les droits des plus pauvres, des peuples originaires, des derniers, où leur voix est entendue et leur dignité promue.  
  • Je rêve d’une Amazonie qui préserve la richesse culturelle qui la distingue, où la beauté humaine brille de tant de manières différentes.  
  • Je rêve d’une Amazonie (décolonisée) qui garde jalousement l’écrasante beauté naturelle qui l’orne, la vie débordante qui remplit ses rivières et ses jungles.  
  • Je rêve de communautés chrétiennes capables de se donner et de s’incarner en l’Amazonie, au point de donner à l’Église de nouveaux visages aux traits amazoniens. 


Dans la récente exhortation apostolique Laudate Deum, le pape François rappelle que « les attaques contre la nature ont des conséquences sur la vie des peuples » (LS 3)i1, et fait un appel en espérant que « ceux qui interviendront seront des stratèges capables de penser au bien commun et à l’avenir de leurs enfants, plutôt qu’aux intérêts circonstanciels de certains pays ou entreprises. Puissent-ils montrer ainsi la noblesse de la politique et non sa honte » (LS 60). 

Les mafias ancrées dans les organes décisionnels de notre pays, les fonctionnaires qui garantissent les intérêts économiques avant les droits des personnes, les grands intérêts économiques qui font pression pour continuer à se favoriser, tous ceux qui ont promu et défendent cette loi, ne comprennent pas que l’avenir est en jeu, pas seulement celui de notre Amazonie, mais celui de la nature en général, de notre maison commune, et de nous-mêmes, les êtres humains qui en font partie. 

Les situations de violence qui se produisent actuellement dans notre pays frère, l’Équateur, nous en faisons déjà l’expérience au Pérou, et cette loi va les aggraver, car elle facilite la prise de contrôle du pays par les économies illégales, mettant ainsi en péril la vie des peuples autochtones, puis l’avenir de notre maison commune. 

Nous exigeons de toute urgence l’abrogation de la loi 31973 et demandons à la communauté internationale d’intervenir, car il ne s’agit pas seulement du Pérou, mais de la planète, de toute notre maison commune. 

Pérou, le 11 janvier 2024 

RED PASTORAL PUEBLOS INDÍGENAS Y ECOLOGÍA INTEGRAL 

COMISIÓN EPISCOPAL DE ACCIÓN SOCIAL – CEAS / OFICINA DE DEERECHOS HUMANOS – VICARIATO DE SAN RAMÓN / PASTORAL AMBIENTAL – DIÓCESIS DE CHICLAYO / PASTORAL SOCIAL Y DE DIGNIDAD HUMANA – ARZOBISPADO DE HUANCAYO / PASTORAL SOCIAL – VICARIATO DE REQUENA / DERECHOS HUMANOS Y MEDIO AMBIENTE – PUNO / CENTRO DE ESPIRITUALIDAD COLUMBANO – CEM LIMA NORTE / ÁREA JUSTICIA Y PAZ – DIÓCESIS DE CHULUCANAS / PASTORAL SOCIAL – ARZOBISPADO DE LIMA / PASTORAL SOCIAL – ARZOBISPADO DE CUSCO / COMISIÓN DE ECOLOGÍA Y CUIDADO DE LA CREACIÓN – DIÓCESIS DE LURÍN / PASTORAL SOCIAL – VICARIATO DE PUERTO MALDONADO / PASTORAL SOCIAL – VICARIATO DE JAÉN / PASTORAL DE LA TIERRA – VICARIATO DE YURIMAGUAS / PASTORAL SOCIAL Y DIGNIDAD HUMANA – DIÓCESIS DE CHOSICA / COMISIÓN DE JUSTICIA Y PAZ – DIOCESIS DE CHIMBOTE / ASOCIACIÓN MARIANISTA DE ACCIÓN SOCIAL – AMAS – OTUZCO / CENTRO LOYOLA – AYACUCHO 

  1.  Dans Laudate Deum, le pape François rappelle aux évêques du synode de l’Amazonie cette phrase.  ↩︎
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