« M’anvi viv tankou moun »: Appel à une transition conduite par la société civile, pour la bonne gouvernance en Haïti

Ce slogan en créole, M’anvi viv tankou moun (J’aimerais vivre comme un être humain), sur le t-shirt d’un jeune homme, résume bien le sentiment qui anime les manifestations qui paralysent Haïti depuis maintenant cinq semaines.

Ce slogan reflète aussi la motivation de Développement et Paix — Caritas Canada à entériner la déclaration de la Concertation pour Haïti (une coalition d ‘organisations québécoises pour Haïti). La déclaration soutient l’appel d’organisations haïtiennes — dont nos partenaires —  à la création d’une commission, menée par la société civile, et dont le mandat serait d’établir un gouvernement de transition pour changer « la façon dont les autorités gouvernent »i, selon les mots de la Commission épiscopale Justice et Paix.

Une gouvernance dysfonctionnelle et une corruption endémique ont rendu la situation intenable pour la plupart des Haïtiens. 60% de la population vit avec moins de 2 $US par jour, et 25% avec moins de 1 $US par jour.  Le pouvoir d’achat des Haïtiens a été réduit drastiquement par l’inflation, qui a atteint 19% au cours de l’été, et la baisse de 30% de la valeur de la gourde (la monnaie d’Haïti) depuis 18 mois.

La rareté de carburant paralyse tout le pays. Avec une électricité peu fiable et le manque de diésel pour alimenter les génératrices, les hôpitaux publics sont pratiquement non-fonctionnels. Dans les zones rurales, les producteurs ne peuvent acheminer leurs produits aux marchés, parce que les tap-taps (autobus) publics ne roulent plus; dans les villes, les tablettes des supermarchés sont pratiquement vides.

La pénurie de carburant est une conséquence de la mauvaise gestion par le gouvernement haïtien des 3,4 milliards de dollars en produits pétroliers du programme Petrocaribe; ce programme permettait aux États des Caraïbes d’acheter à bas prix le pétrole vénézuélien, avec des arrangements de paiement plus longs. La vente de ces produits pétroliers devait permettre le financement de projets d’infrastructure et de développement. Un audit récent du Sénat haïtien a plutôt démontré que les fonds avaient été détournés par des représentants du gouvernement. Le président Jovenel Moïse est aussi impliqué dans cette fraude par un prêt douteux à sa compagnie Agritrans.

« La corruption et les comportements irresponsables des leaders haïtiens sont la cause du dysfonctionnement des institutions de l’État », selon la Commission épiscopale Justice et Paix, un partenaire de Développement et Paix.   « Les institutions de l’État n’offrent aucun service aux citoyens; le système judiciaire couvre les abus et le vol pratiqués par les riches, alors que les pauvres croupissent en prison, sans accès à un procès ».

Les manifestations massives d’une population assiégée ont été réprimées avec violence par la police. Au cours des deux dernières semaines de septembre 2019 seulement, le Réseau national de défense des droits humains a  pu démontrer que 17 protestataires avaient été tués et 180 autres blessés. Les Nations Unies ont corroboré les rapports des organisations haïtiennes des droits humains selon lesquels un élu du parti au pouvoir serait impliqué dans le massacre de plus de 25 résidents du quartier pauvre de La Saline, dans la capitale haïtienne, en novembre 2018.

La stratégie de Développement et Paix en Haïti a toujours été de renforcer la capacité des mouvements sociaux et de la société civile locale à défendre leur propre vision de changement et de développement et à demander des comptes à leur gouvernement. Pour nos partenaires, le gouvernement de Jovenel Moïse a perdu le peu de légitimité qu’il détenait après une élection où seulement 21% de l’électorat  a participé.

Il est temps pour la communauté internationale, dont le Canada, de soutenir les efforts de la société civile haïtienne afin de tourner la page et d’instaurer un gouvernement de transition qui commencera à « changer la façon dont ce pays est gouverné », selon les vœux de la Commission épiscopale Justice et Paix.

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