Développement et Paix — Caritas Canada accueille avec satisfaction la déclaration sur le Brésil (disponible en anglais uniquement) publiée par Baskut Tuncak, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux.
Reconnaissant le peu de progrès réalisés par le pays pour l’élimination des déchets toxiques, M. Tuncak observe qu’il « est urgent de respecter les obligations en matière de droits humains des nombreux groupes vulnérables quant aux menaces posées par les produits toxiques et les déchets dangereux au Brésil ».
Exercer la surveillance jusqu’en première ligne
Après avoir dénoncé et s’être opposé pendant des décennies à la pollution galopante des secteurs miniers, industriels et agricoles, les organisations de la société civile brésilienne, dont plusieurs partenaires de Développement et Paix, étaient encouragées par l’annonce faite l’an dernier d’une mission du Rapporteur spécial au Brésil. Mais, à l’automne 2019, ils apprenaient que les lobbyistes de l’industrie essayaient de dissuader M. Tuncak d’aller sur le terrain pour rencontrer les communautés affectées. Nos partenaires ont donc décidé d’intensifier leur plaidoyer.
C’est dans ce contexte que, le 27 novembre 2019, Anne Catherine Kennedy, chargée de programme de Développement et Paix pour le Brésil, écrivait une lettre au Rapporteur spécial lui demandant de visiter la communauté de Piquiá de Baixo, dans l’État de Maranhão.
Piquiá de Baixo est un microcosme de ce qui afflige le Brésil. En 2011, notre partenaire, Justice sur les rails (Justiça nos Trilhos), avait coproduit un rapport sur les impacts des activités minières et de sidérurgie sur les droits humains, particulièrement celles du géant Vale S.A., à Califórnia et à Piquiá de Baixo.
Les 66 hauts-fourneaux à charbon et les cinq aciéries de Vale, sans compter le transport de la matière première et des produits finis dans la région, causaient tout un lot de problèmes: déforestation, pollution de l’air et de l’eau, accidents industriels mortels, problèmes chroniques de santé comme les maladies respiratoires, problèmes de peau et des yeux, insalubrité urbaine, appauvrissement et répression des droits des citoyens.
Le rapport critiquait Vale pour les abus commis, de même que l’État brésilien, pour sa négligence à faire respecter ses normes et protéger les communautés. Dans sa lettre au rapporteur Tuncak, Mme Kennedy rappelait que : « Huit ans plus tard, l’État brésilien n’avait toujours pas adopté les recommandations de ce rapport … ». Elle soulignait que puisqu’aucune mesure n’avait été prise pour réduire la pollution, les gens continuaient de souffrir des effets de leur exposition aux produits toxiques.
C’est ainsi que, grâce à nos efforts conjoints de plaidoyer, le rapporteur Tuncak, lors de sa tournée brésilienne du 2 au 13 décembre 2019, a décidé de visiter les communautés affectées de Piquiá de Baixo, Belo Horizonte, Brumadinho, Imperatriz et São Luís, où travaillent nos partenaires.
Des problèmes généralisés
L’industrie minière brésilienne a fait les manchettes le 25 janvier 2019 lorsqu’un barrage de résidus miniers de Vale s’est effondré près de Brumadinho, tuant plus de 250 personnes, et exposant 1,3 million de personnes vivant en aval de la rivière à des polluants extrêmement toxiques. Certains hauts responsables de l’entreprise Vale, qui était aussi impliquée dans la rupture du barrage de Mariana qui a tué 19 personnes et empoisonné tout un bassin versant en 2015, font maintenant face à des charges d’homicide et de crimes contre l’environnement.
La pollution toxique ne concerne pas que le secteur minier. Dans de vastes zones du Brésil, les pesticides utilisés dans l’agriculture industrielle menacent aussi la santé, les moyens de subsistance et les modes de vie de centaines de communautés rurales, traditionnelles et autochtones.
Dans leur quête de justice sociale, économique, écologique et légale, ces communautés ont le soutien inébranlable de plusieurs de nos partenaires. Les constats du Rapporteur spécial viennent confirmer leurs préoccupations.
« Un recul alarmant »
Dans l’attente du rapport final prévu pour septembre 2020, le Rapporteur Tuncak a publié une déclaration suite à sa visite, constatant que: « le Brésil connaît un recul alarmant et se dirige vers un avenir de plus en plus toxique ».
Au sujet du désastre de Brumadinho, le rapporteur ajoute: « je n’ai jamais vu, ou entendu parler, d’un traumatisme d’une aussi grande ampleur que ce que connaît cette communauté ». Il a durement critiqué les défaillances de l’État quant aux cadres réglementaires et à leur application.
En se basant sur des témoignages et des études, M. Tuncak conclut que « des personnes et des communautés sont confrontées à de graves violations et abus de leur droit à la vie, à la dignité, à la santé et à l’intégrité physique face à la pollution toxique ».
Il a cité plusieurs exemples où le gouvernement semblait servir les intérêts de puissantes entreprises, nier le droit des populations à l’information, et entraver, marginaliser ou même criminaliser, les militants des droits humains et de l’environnement. Ce qui donne à de nombreux responsables ce qu’il appelle « un sentiment d’impunité bien établi ».
Une note d’espoir
M. Tuncak considère que le Brésil est « un leader dans la reconnaissance constitutionnelle des droits environnementaux ». Il existe un vaste réseau d’organisations de la société civile, dont plusieurs sont des partenaires de Développement et Paix, pour demander des comptes à l’État quant au respect de ces droits. Selon lui, ce sont ces organisations qu’il faut reconnaître et dont il faut imiter la résilience.
D’ici à ce que soit publié le rapport final du Rapporteur Tuncak, Développement et Paix continuera de soutenir cette avant-garde de la démocratie brésilienne qui défend les droits des opprimés et des marginalisés, et des communautés traditionnelles et autochtones. Notre campagne Pour notre maison commune, vous offre une occasion de leur démontrer votre solidarité.
Photo par Vinícius Mendonça, Instituto Brasileiro do Meio Ambiente e dos Recursos Naturais Renováveis.