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La reconstruction après l’ouragan Matthew progresse, grâce à la participation locale

Les collines bordées de palmiers qui entourent la ville coloniale de Cavaillon sont passées, en deux ans, d’un brun desséché à un vert flamboyant. Sise dans les plaines de la côte sud d’Haïti, cette ville de 44 000 habitants, divisée en cinq sections rurales, est sans doute mieux connue comme lieu de naissance de Silvio Cator, le seul médaillé olympique d’Haïti qui avait remporté une médaille d’argent, au saut en longueur, lors des Jeux d’Amsterdam en 1928. 

Aujourd’hui, Cavaillon reprend vie après le terrible ouragan de force 4 qui a frappé la communauté le 3 octobre 2016, causant la mort de 27 personnes, détruisant 1 291 maisons et plus de 30 % des arbres et des cultures. Développement et Paix – Caritas Canada y a soutenu un projet innovateur de reconstruction de maisons, qui plaçait les organisations locales haïtiennes au cœur du processus et leur permettait de reprendre le contrôle du développement de leur communauté.   

Lors d’une rencontre en novembre dernier à Bercy, une des sections rurales de Cavaillon, des membres de la Coordination des Organisations pour le Changement à Cavaillon (COCC), qui a travaillé avec le partenaire de Développement et Paix, l’Institut de technologie et d’animation (ITECA) pour mener le programme post-Matthew, se sont entendus pour dire une chose : ce n’était pas un travail facile.

En fait, reconstruire, ne serait-ce que quelques-unes des maisons détruites, dans une zone rurale isolée, s’est avéré si difficile que cela aide à comprendre pourquoi tant de projets d’aide ont échoué en Haïti.   

Le leader de la COCC, Pierre Antoinier St-Cyr, se souvient des difficultés pour transporter des matériaux de construction dans des zones rurales accessibles seulement par des petites pistes, ressemblant à des lits de rivières; des hausses subites des prix des matériaux; du défi de former des maçons locaux aux techniques de base de construction; du combat des survivantes et survivants du séisme pour trouver, d’une façon ou d’une autre, les fonds pour payer leurs contributions, pour ne nommer que quelques-uns des nombreux obstacles qu’ils ont rencontrés. De plus, après le lancement du projet au début de 2017, le gouvernement haïtien a instauré une nouvelle exigence : toutes les ONG travaillant à la reconstruction post-désastre doivent soumettre leurs plans de construction au gouvernement, une règle qui a retardé le projet pendant de nombreuses semaines.    

« Nous avons beaucoup appris des efforts d’urgence après le tremblement de terre de 2010 », déclare Chenet Jean-Baptiste, directeur de l’ITECA. Seulement 3 % des 776 millions de dollars US dépensés pour l’urgence après le séisme ont été canalisés via l’État haïtien, avec peu ou pas de consultation avec les Haïtiennes et Haïtiens. L’aide d’urgence qui a été déployée a laissé les organisations haïtiennes et l’État haïtien affaiblis, et a encouragé la passivité des populations face aux distributions et aux opérations d’aide. Matthew a été l’occasion de faire les choses autrement », souligne Chenet Jean-Baptiste. 

En travaillant avec ITECA, Développement et Paix s’assurait qu’une partie de son programme de reconstruction post-ouragan Matthew vise à renforcer les organisations locales haïtiennes, à renforcer l’autonomie et la dignité des participantes et participants au projet, tout en garantissant leur implication active aux efforts de reconstruction, plutôt que de les considérer comme de simples bénéficiaires de l’aide.   

« Au début, nous pensions réparer 100 maisons dans 3 sections rurales », raconte Pierre Antoinier St-Cyr, qui est aussi membre de Tet Kole, une organisation paysanne membre de la COCC. « Nous sommes donc partis pour voir ce qu’il était possible de réparer – mais nous avons compris qu’aucune de ces maisons précaires ne pouvait être réparée, il fallait les rebâtir. »

Toutefois, il n’y avait pas assez de fonds pour reconstruire les maisons des quelque 2 000 familles laissées sans abris par l’ouragan Matthew. Les organisations membres de la COCC se sont donc attelées, avec le soutien d’ITECA, à dresser une liste de critères de sélection pour établir les familles prioritaires. Celles-ci seraient les familles ayant des femmes chefs de famille ainsi que les ménages vulnérables, comportant des personnes âgées ou plusieurs enfants. Il fut aussi décidé que chaque ménage retenu serait responsable de l’excavation avant la construction et devrait fournir les matériaux de construction, dont le sable, le gravier et les pierres, ce qui représentait environ 2 650 $, soient environ 30 % du coût de chaque maison, estimé à 9 000 $. 

« Nous sommes allés dans les 2ème, 3ème et 4ème sections pour discuter avec les victimes, puis nous sommes allés dans la 5ème où tout avait été détruit par l’ouragan. Quand nous avons discuté de la contribution que les gens devraient faire, le nombre de maisons a diminué à 50, puis à 30, puis à 25 parce que les gens ne pouvaient pas débourser ce que nous avions prévu à l’origine. »

Pour plusieurs participantes et participants, la contribution exigée n’était pas facile à trouver. Plusieurs ont dû emprunter de l’argent.

« Les gens devaient faire une contribution pour avoir leur propre maison. Les bénéficiaires ne sont pas nécessairement les plus pauvres, mais ils ne sont pas riches non plus », souligne Antoinier St-Cyr. 

Plusieurs d’entre eux n’ont pas encore réussi à finir leurs maisons, certaines n’ont pas encore de fenêtres ou de portes. Inévitablement, les participantes et participants au projet ont été la cible du ressentiment et de la jalousie de la part de certains voisins.   

« Aujourd’hui, les gens sont fiers de leurs maisons et des sacrifices qu’ils ont faits pour les construire. C’est une démarche qui respectait leur dignité » ajoute Noé Lacombe, président de la COCC. 

La contribution obligatoire n’était pas le seul problème rencontré par la COCC dans le processus de reconstruction. L’achat, l’entreposage et le transport des blocs de ciment et des matériaux de bois vers les zones rurales ont été un défi logistique, de même que la formation de la main-d’œuvre locale.   

Après avoir acheté les blocs de ciment aux Cayes, la capitale du département, les matériaux furent transportés dans un entrepôt de Cavaillon, ce qui était la responsabilité de la COCC. Le comité en avait appelé au maire et à ses deux députés pour l’entreposage, mais ils ne se sont pas montrés coopératifs. 

« Nous avons demandé aux maires de collaborer avec nous, mais seulement un d’entre eux a accepté. L’autre parlait contre nous et a commencé à répandre des rumeurs », rappelle St-Cyr.

« Puis nous avons commencé à recevoir des menaces – et une série de personnes nous ont offert de l’argent pour les matériaux, essayant de nous corrompre ».

Mais ils ont tenu bon. Quand il fut temps de transporter le premier lot de tôles ondulées pour les toits vers les sections rurales de Trois Mangos et Bercy, ils ont dû demander à la municipalité de leur fournir de la sécurité parce qu’ils craignaient que ces précieux matériaux ne soient volés.

Afin d’assurer un maximum de bénéfices à la communauté, de la main-d’œuvre locale a été employée. Cependant, les maçons locaux n’étaient pas toujours ponctuels. Et certains bénéficiaires n’avaient pas préparé leur lot à temps, ou n’avaient pas payé les matériaux, ce qui entraînait des retards dans la construction. Il y a eu des délais sans fin, à cause de la pénurie de matériaux, de la hausse des prix suite à l’inflation, ou des fortes pluies qui rendaient les routes impraticables pour les camions.   

À la fin de la démarche, 25 familles pauvres ont une nouvelle maison, solide, avec un salon/salle à manger, deux chambres et une véranda. Elles sont branchées au réseau électrique et sont à l’épreuve des séismes; les maisons résisteront à n’importe quel ouragan.

La COCC et ses membres ont donc remonté dans l’estime de la population. Cela n’a échappé à personne qu’aucune autre organisation n’a su remplir ses promesses de reconstruction post-Matthew dans ces zones rurales isolées. Dans les semaines après l’ouragan Matthew, la Caravane de Changement, composée de véhicules des travaux publics et parrainée par le président, promettait d’aider les gens à reconstruire, mais ils ont rapidement disparu. Et les gens se demandent encore comment les autorités locales ont employé les 300 000 gourdes (6 000 $) et les 6 000 tôles ondulées qui avaient été envoyées par le gouvernement central pour la reconstruction.   

« Nous n’avons pas pu aider tout le monde », déplore Noé Lacombe. « Cela a été un grand dilemme. Mais aujourd’hui, 25 familles ont des maisons solides, qui peuvent servir d’abris à plusieurs personnes en cas de mauvais temps. Et l’esprit communautaire des participantes et des participants est aussi plus fort ».   

En plus de ce projet à Cavaillon, qui comportait des intrants pour la relance de 300 potagers, Développement et Paix a travaillé avec ITECA pour la réparation de 100 maisons à Grande Anse. Nous avons aussi travaillé avec la fondation Julia et Jade pour reconstruire 50 maisons et une école; alloué une somme de 250 000 $ à Caritas Haïti pour la réparation de maisons dans le diocèse de Jérémie, et aidé notre partenaire OFTAG à reconstruire son bureau, qui est un lieu de rencontre important pour les femmes paysannes.  

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