Justice climatique : pertes et dommages à la COP28

Par Randy Haluza-DeLay, animateur pour le centre de l’Ontario, et Beth Lorimer, coordonnatrice du programme de justice écologique, KAIROS Canada

La création d’un « fonds pour les pertes et dommages » d’une valeur d’environ 429 millions de dollars US, auquel le Canada s’est engagé à contribuer à hauteur de 16 millions de dollars, a été l’une des premières avancées surprenantes de la COP28 qui se tient actuellement à Dubaï. Une fois l’euphorie initiale des relations publiques retombée, les organisations de la société civile n’ont pas tardé à souligner l’insuffisance flagrante de ce fonds. La contribution du Canada, par exemple, ne couvrirait qu’une heure des dommages infligés par les changements climatiques, selon une estimation (voir article en anglais).

À quoi ressemblerait donc un fonds plus équitable ? Beth Lorimer et Randy Haluza-DeLay, coauteur d’un rapport de KAIROS Canada sur le sujet, apportent quelques réponses.

Lorsque Zachée a rencontré Jésus, il a soudain réalisé à quel point il avait été injuste. Il a déclaré qu’il donnerait la moitié de ses richesses et qu’il rendrait à celles et ceux à qui il avait trop pris quatre fois ce qu’il leur avait pris.

Zachée avait bénéficié d’un système qui permettait aux collecteurs d’impôts de prendre un excédent et de le garder. La restitution des richesses obtenues aux dépens d’autrui est connue sous le nom de réparations. Pour Zachée, sa rencontre avec Jésus l’a aidé à réaliser que sa responsabilité personnelle et les actions de son passé nécessitaient désormais des réparations.

Alors que se déroule le sommet des Nations Unies sur les négociations climatiques, connu sous le nom de COP28, l’un des principaux points à l’ordre du jour est le financement de ce que l’on appelle les « pertes et dommages ». KAIROS, un regroupement œcuménique canadien pour la justice (voir site en anglais) dont Développement et Paix ― Caritas Canada est membre, a publié un rapport à la mi-novembre. Le rapport intitulé Addressing Ecological Debt: Equity and Justice for Climate-Related Loss and Damage (Remédier à la dette écologique : équité et justice pour les pertes et dommages liés au climat, disponible uniquement en anglais) présente le contexte de la question et des recommandations à l’intention du gouvernement canadien et de la communauté internationale.

Pertes et dommages : quoi et pourquoi ?

Le carbone déversé dans l’atmosphère et dans les océans a provoqué des changements climatiques, ce qui a entraîné des dommages causés par ce que l’on considère de plus en plus comme un dérèglement climatique. Les systèmes économiques et écologiques mondiaux ont permis à des pays qui sont aujourd’hui riches d’en tirer profit en prélevant plus que leur juste part de la richesse de la nature. Le Canada émet toujours plus de gaz à effet de serre qu’il n’en faudrait pour calculer sa juste part.

Les Canadiennes et les Canadiens font l’expérience des dommages causés par le climat sous la forme d’une augmentation des incendies de forêt, de conditions météorologiques plus difficiles et d’inondations dans les régions côtières, et d’un réchauffement plus rapide que la moyenne mondiale dans les régions arctiques. Les conséquences négatives des changements climatiques sont encore plus graves dans d’autres pays. De nombreux pays vulnérables ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face aux changements et aux dégâts causés par ces derniers. Selon un rapport (voir en anglais) publié par le Groupe V20 des pays vulnérables aux changements climatiques, ceux-ci ont effacé un cinquième de la richesse des pays au cours des deux dernières décennies.

Le financement des pertes et dommages est la restitution d’une partie de la richesse aux populations qui sont confrontées aux conséquences du dérèglement climatique. Ils ne sont pas à l’origine de l’effondrement du climat.

Pertes et dommages : un impératif chrétien

Les Églises se préoccupent de la justice climatique parce que nous connaissons l’histoire de Zachée et que nous rencontrons nous aussi Jésus qui nous dit que nous avons la responsabilité d’agir équitablement et de donner nos ressources pour aider celles et ceux qui ont moins. La plupart des pays vulnérables aux pertes et dommages liés au climat n’ont pas les ressources nécessaires pour faire face aux problèmes qui ont déjà commencé à se poser.

La récente exhortation apostolique du pape François, Laudate Deum, souligne l’urgence de la crise climatique et les responsabilités éthiques des chrétiens dans une communauté mondiale. Une partie importante d’une approche climatique juste et équitable consiste à aider les communautés qui ont beaucoup moins contribué aux causes climatiques que d’autres, mais qui doivent faire face à des dommages liés au climat.

Pertes et dommages : qui et comment ?

Trois questions essentielles doivent être posées lors de l’examen de la justice climatique liée aux pertes et dommages :

  • Qui est à l’origine de la crise climatique et qui doit donc payer ?
  • Qui sont les victimes ? Qui recevra une compensation ?
  • Qu’est-ce qui a été perdu et qui décide de ce qui est considéré comme une perte ?


Les coûts financiers sont plus faciles à mesurer pour des effets tels que la perte de productivité agricole, les infrastructures endommagées ou la relocalisation de réfugié·e·s climatiques que pour des effets moins tangibles mais aussi importants tels que la perte de communauté, la déconnexion de la terre, la diminution de la cohésion sociale et de la culture.

Le rapport de KAIROS se termine par une série de recommandations au gouvernement canadien et à la communauté internationale. Ces recommandations visent à garantir que le financement des pertes et dommages soit juste, qu’il donne la priorité aux organisations locales et communautaires qui sont plus proches des effets liés au climat, et qu’il n’aide pas uniquement les gouvernements nationaux.

Les recommandations insistent sur le fait que le financement doit prendre la forme de subventions plutôt que de prêts qui viendraient s’ajouter à la crise de la dette existante. Le financement doit tenir compte de la dimension de genre et soutenir le leadership des femmes dans la prise de décisions liées au climat. Enfin, tous les financements doivent être dirigés par celles et ceux qui sont le plus touchés par la dégradation du climat, afin qu’ils ne soient pas imposés aux autres par les pays du Nord.

Le plus important, est que le Canada et d’autres pays industrialisés reconnaissent explicitement le rôle historique qu’ils ont joué en contribuant à la majeure partie des émissions. Selon une étude publiée dans la revue médicale britannique The Lancet (voir en anglais), ce groupe de pays est historiquement responsable de 90 % des émissions. Le Canada doit accroître le financement des mesures d’atténuation et d’adaptation et établir de nouvelles lignes de financement pour les pertes et les dommages liés au climat. C’est ainsi que nous assumerons notre responsabilité historique, comme l’a fait Zachée.

Le financement des pertes et dommages liés au climat est essentiel à la justice climatique, mais il doit être fait correctement, sinon il ne fera que créer plus d’injustices. Et il faut le faire rapidement, car les communautés sont déjà touchées par l’effondrement du climat.

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