Hommage à un théologien de la libération

Nous nous joignons au monde pour célébrer le 95e anniversaire du père Gustavo Gutiérrez, dont les idées ont réveillé un continent et inspiré des centaines de mouvements de solidarité et de justice, dont le nôtre.

Par Dean Dettloff, animateur pour le centre de l’Ontario

Développement et Paix ― Caritas Canada se joint à de nombreuses personnes dans le monde pour célébrer le 95e anniversaire du père Gustavo Gutiérrez, qui a eu lieu le 8 juin. Le père Gutiérrez est l’un des théologiens les plus importants du monde et a considérablement façonné notre mouvement. Sa forte foi envers les communautés urbaines appauvries de Lima, où il est né en 1928, l’a inspiré à faire appel à l’église pour défendre « l’option préférentielle pour les pauvres ». Cette phrase qui est maintenant au centre de notre travail.

Le père Gutiérrez a joué un rôle déterminant dans une célèbre réunion de 1968 en Colombie où la Conférence des évêques latino-américains (CELAM, aujourd’hui l’un de nos partenaires) s’est engagée à être une église des pauvres. À ce moment-là, ils utilisaient déjà le langage de la libération.

En 1971, le père Gutiérrez a publié Une théologie de la libération, qui a aidé à lancer le mouvement de la théologie de la libération. Il a qualifié le livre de « réflexion théologique née de l’expérience de différents efforts partagés pour abolir la situation injuste actuelle et construire une société différente, plus libre et plus humaine »[i].

Cinquante ans plus tard, l’analyse du père Gutiérrez reste pertinente pour notre compréhension des causes de la pauvreté et de notre travail.

Appréciation papale

La théologie de la libération a eu une relation compliquée avec le Vatican. Dans les années 1980, le cardinal Ratzinger, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a rédigé deux instructions clarifiant la position du Vatican sur certains aspects de la théologie de la libération. Cependant, le père Gutiérrez, qui ne faisait pas partie des théologiens de la libération censurés, n’a jamais été réduit au silence.

Plus récemment, le pape François, le premier pontife d’Amérique latine, a travaillé pour réparer la relation entre le Vatican, Gutiérrez et d’autres théologiens de la libération comme Leonardo Boff, Ernesto Cardenal et Miguel d’Escoto Brockmann.

« Aujourd’hui, nous, les personnes âgées, rions de notre inquiétude au sujet de la théologie de la libération », a déclaré le pape François à un groupe de jésuites au Panama en 2019[ii]. Il se souvient d’avoir concélébré la messe avec le père Gutiérrez après le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le cardinal Müller avait présenté le père Gutiérrez comme un ami.

Saluant le père Gutiérrez à l’occasion de son 90e anniversaire en 2018, le pape François l’avait remercié pour sa manière « d’interroger la conscience de chacun, afin que personne ne reste indifférent au drame de la pauvreté et de l’exclusion ».

Gustavo Gutiérrez et notre mouvement

Développement et Paix – Caritas Canada remercie aussi le père Gutiérrez pour ses idées stimulantes et inspirantes. Grâce à elles, les personnes le plus appauvries d’Amérique latine, dont nous avons toujours été proches, ont construit un impressionnant mouvement chrétien de base, souvent soutenu par nous. Ce mouvement a contribué à libérer le peuple des grandes dictatures et à créer des États plus démocratiques où les personnes appauvries ont une voix catholique forte. De nombreuses autres institutions et collectifs Latino-Américains s’en sont directement inspirés aussi. Grâce à eux, nous avons été très proches des populations les plus appauvries de ce continent.

Le père Gutierrez a également laissé une impression durable sur de nombreux de nos membres. En 1991, Sylvia Skrepichuk, membre en Ontario, a suivi un cours à l’Institut Bartolomé de las Casas lors d’un voyage de solidarité au Pérou avec un groupe de huit personnes, dont Carl Hétu, actuellement directeur général de notre organisation. Pendant le cours, elle a demandé au père Gutierrez ce qu’elle devait faire. Il a énuméré trois choses : se renseigner sur la situation en Amérique latine ; prendre une option pour les pauvres ; rendre visite aux habitant·e·s du Pérou et revenir au Canada pour raconter leur histoire et défendre la justice. Plus tard, Mme Skrepichuk a entendu le père Gutierrez parler à Toronto, où il a ajouté à sa réponse qu’elle devrait se concentrer sur la situation des femmes. En fait, « c’est l’expérience au Pérou, l’insistance de Gustavo sur la nécessité d’un contexte pour ancrer la théologie et une invitation du Conseil diocésain de Toronto à me joindre à un groupe d’éducateurs qui m’ont amené à rejoindre Développement et Paix – Caritas Canada » explique Mme Skrepichuk.

Lors de la fondation de notre organisation en 1967, le père Gutiérrez enseignait à Montréal. Il s’est souvenu avec émotion de cette époque en 2014, lorsqu’il a reçu un doctorat honorifique de l’Université Saint-Paul à Ottawa.

Dans notre livre souvenir du 25e anniversaire, le père Gutiérrez avait écrit que notre proximité « avec les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine » avait « été amplement démontrée ».

Que notre mouvement continue longtemps à être à la hauteur de son évaluation, informé et transformé par le dialogue avec les pays du Sud.

¡Feliz cumpleaños atrasado, Gustavo! ¡Que cumplas muchos más!


[i] Traduction libre

[ii] Article en anglais uniquement

PARTAGER LA NOUVELLE

Effectuez votre recherche

Restez informé·e

Ne manquez rien sur le travail de nos partenaires internationaux ou sur nos campagnes de sensibilisation et de mobilisation.

Inscrivez-vous dès maintenant à notre infolettre.