Par Richard Rudashama, animateur pour l’ouest du Québec et l’est de l’Ontario
Je ne taris jamais d’admiration et d’estime pour toutes ces personnes qui, malgré le poids de leur quotidien, continuent à garder allumée leur bougie, face à l’oppressante et complexe obscurité de la dynamique politico-socio-économique du monde. Pour elles, loin des yeux n’est jamais loin du cœur. On est toutes et tous voisin·e·s sur terre et pèlerin·e·s sur cette commune trajectoire qu’est la vie.
Quelle que soit la taille de leur flamme et les tempêtes environnantes, ces personnes l’allument, la rallument et l’entretiennent. Elles sont des gardiennes de la flamme d’espoir et de résilience, ce feu qui continue à briller dans des David du sud, contre des Goliaths mondialisés.
De 7 à 77 ans, j’ai toujours croisé ces personnes dans les circuits de Développement et Paix – Caritas Canada. Très souvent dans leur anonymat, elles ne crient pas sur les toits des médias. Cependant, d’un océan à l’autre, elles sont infatigablement en train de penser, de créer, de réseauter, de se mobiliser, de défendre et de plaider pour un monde meilleur.
Néanmoins, cette admiration est devenue sans commune mesure, quand j’ai appris qu’il y avait au sein de notre organisation, des jeunes de 100 ans et plus qui continuent à s’informer, à s’indigner et à agir pour la justice sociale et le développement dans le monde.
Je suis donc allé rencontrer ces « Vieux et fier de l’être », comme se décrit une de ces personnes. Il s’agit de Madame Jaqueline Lamarche Dugas et l’Abbé Pierre Bergevin. Jacqueline est née le 18 mars 1921, tandis que l’Abbé Bergevin est né le 3 août 1921. À 103 ans, les deux ont une mémoire intarissable et une éloquence captivante. Ils ont gentiment accepté de me partager leur motivation et leurs vœux. Je vous partage à mon tour l’entretien qu’ils m’ont accordé.
Qu’est-ce qui vous motive à rester engagé·e·s aux missions et valeurs de Développement et Paix – Caritas Canada (DPCC), et à continuer de vous impliquer malgré votre âge ?
« Le travail de DPCC met en pratique l’évangile » me répond spontanément Jaqueline. « Il va toujours vers le pauvre, le nécessiteux, le marginalisé, l’abandonné. Depuis toute jeune l’idée d’aller vers celle et celui dans le besoin m’a toujours habitée. DPCC m’aide à rester moi-même. »
L’abbé Pierre renchérit qu’on est chanceux d’avoir un système administratif et communautaire qui permet d’aider les personnes qui sont dans le besoin ici au Canada. « Dans les pays du sud, nos sœurs et nos frères n’ont pas cette chance alors que quelque part, le bonheur dont nous jouissons ici vient de chez eux. Les aider n’est que leur remettre la dignité qu’on leur a volée, d’une manière ou d’une autre. »
En effet, du haut de ses 103 ans, Jacqueline a toujours des projets de mobilisation de ressources pour Développement et Paix – Caritas Canada. Par exemple, son projet de fabrication et vente de cartes de vœux lui a permis l’année dernière d’envoyer deux chèques de 300 $ et 200 $ à l’organisation.
Quel est votre vœu pour nos sœurs et frères du sud ?
« Autodétermination ! » répond automatiquement l’Abbé Bergevin, rejoint par Jacqueline dans le même sens. « Il faut que les populations du sud puissent se développer, deviennent autonomes afin qu’elles ne continuent pas à déprendre de nous sous d’autres formes ».
Et votre vœu pour Développement et Paix – Caritas Canada ?
Pour Jacqueline, il faut absolument que « Développement et Paix – Caritas Canada soit encore plus fort, avec beaucoup plus de membres et de moyens financiers. Il faut qu’on arrive à étendre et renforcer nos capacités d’intervention, au sud comme au nord, afin que ceux que nous aidons deviennent nos égaux. »
Et ainsi, renchérit l’Abbé Bergevin, « on arrivera à un moment où on aura plus besoin de Développement et Paix – Caritas Canada, parce que tout le monde aura été autonome, et que la dignité humaine aura été une réalité pour toutes et tous. »
Pour finaliser, si vous aviez 50 ans de moins aujourd’hui. Que feriez-vous ?
Les deux feraient ce qu’ils ont toujours fait : à savoir travailler pour redonner la dignité et le sourire aux personnes opprimées et marginalisées. L’argent étant le nerf de la guerre, Jaqueline travaillerait davantage pour mobiliser plus de ressources pour notre organisation.
L’abbé Bergevin ajoute qu’il continuerait à « sensibiliser la population canadienne sur les causes profondes des injustices et de la pauvreté, ainsi que sur le rôle qu’elle peut jouer pour renverser la tendance ». De plus encore « Je donnerais tout au monde pour que nos prêtres se rendent compte de l’importance de Développement et Paix – Caritas Canada et du rôle qu’ils doivent jouer. Il faut qu’ils parlent de l’organisme à leur communauté, pendant la messe. Ils ne doivent pas attendre la fin de la messe pour lire les messages préparés par l’organisme. Le travail de Développement et Paix est la matérialisation pure et simple de l’évangile. »
« On devrait avoir (les messages) dans le feuillet paroissial “Les dits du curé” où ils pourraient mettre leur message propre par rapport à la campagne de Développement et Paix – Caritas Canada. »
Les échanges étaient si captivants et si envoutants, je ne voulais pas rentrer. En regardant la photo que je venais de prendre (Jacqueline et Pierre ensemble), Pierre me dit « ça a l’air de rien, mais c’est quand même 206 ans sur la photo ». Et en jetant un œil sur ma tête hors chapeau, rasé à ras la peau, il me lance, en souriant « Tu n’as pas de problème avec le peigne toé … » Et le rire fusa encore dans le salon de Jacqueline qui nous avait accueillis.
Sur ma route au retour, j’avais le sentiment d’avoir aiguisé ma curiosité plutôt que de l’avoir assouvie. Je n’arrivais pas à me départir de ce vif désir de savoir ce qui motive chacune de ces personnes qui s’investissent au sein Développement et Paix – Caritas Canada jour et nuit, et ce, bénévolement.
Et vous alors qui lisez cet article, pourriez-vous me dire ce qui vous motive ?