Développement et Paix — Caritas Canada et 75 autres organisations de la société civile ont signé une déclaration appelant les pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à augmenter leurs contributions à l’aide publique au développement (APD). Le CAD se décrit comme « un forum international unique dont les 30 membres comptent parmi les principaux fournisseurs d’aide dans le monde. »
En 2020, les contributions à l’APD n’ont représenté que 0,32 % du revenu national brut (RNB), ce qui est très loin de l’engagement de longue date de 0,7 %. La déclaration affirme : « Des niveaux d’APD aussi bas sont peu judicieux d’un point de vue économique, mais également moralement défectueux, compte tenu de la pandémie actuelle et des crises interconnectées, notamment le changement climatique, les conflits, la fragilité et l’augmentation de la pauvreté et des inégalités. »
La situation canadienne
En 2020, le budget d’APD du Canada (c’est-à-dire notre investissement total dans l’aide étrangère par le biais de projets directs, de subventions et de prêts, et par le biais de mécanismes multilatéraux de développement) s’élevait à 0,275 % du RNB.
Il est certain que la pandémie a rendu les temps difficiles pour les Canadiennes et les Canadiens. Cependant, alors que beaucoup ont dû faire face au chômage et au sous-emploi, d’autres ont amassé des économies importantes en réduisant leurs dépenses de voyages, de sorties et de loisirs. En automne 2020, la population canadienne avait accumulé 170 milliards de dollars en liquidités pour les ménages et les entreprises1, soit quatre fois plus que la normale.
La plupart d’entre nous ne nous considérons pas comme des personnes riches, peut-être parce que nous nous comparons à l’imagerie médiatique, ou peut-être parce que nous choisissons de nous endetter pour le confort ou la commodité. D’un point de vue plus global, cependant, le tableau est tout autre.
Le sombre tableau mondial
On estime que 150 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté (définie par la Banque mondiale comme vivant avec moins de 1,90 dollar par jour) au cours de la pandémie, ce qui fait qu’environ 9,5 % de la population mondiale est extrêmement pauvre. Plus de 40 % de la population mondiale est pauvre si l’on considère qu’elle vit avec moins de 5,50 dollars par jour. En outre, 137 millions de personnes supplémentaires sont aujourd’hui au bord de la famine2.
À travers cette crise, notre monde a perdu plus d’une décennie de progrès en termes de développement international. Or, plus la pandémie se poursuivra, plus nous perdrons du terrain. La pandémie n’est pas le seul facteur d’appauvrissement. Si certains paysans ont perdu l’accès à leurs champs ou à leurs marchés en raison des restrictions sanitaires, d’autres ont été confrontés à la sécheresse, à des maladies endémiques et à des phénomènes météorologiques violents imputables au changement climatique. La dette extérieure entrave également le développement et la réponse à la pandémie dans certains pays qui doivent payer des montants à leurs débiteurs étrangers qui dépassent ce qu’ils peuvent consacrer à la santé publique en cette période critique.
Une crise éthique, une dette morale
Cette inégalité mondiale, qui s’accentuait même avant la pandémie, est tout simplement contraire à l’éthique. Pour progresser réellement dans la correction de ces inégalités, nous devons changer nos cœurs et nos esprits. Nous devons prendre conscience que ce que nous pouvons partager avec les pays du Sud ne représente pas un don, mais plutôt le remboursement d’une dette envers ces pays.
En effet, le Canada a une dette écologique envers les sociétés qui subissent les effets du changement climatique. Une grande partie de notre richesse et de notre stabilité provient des activités industrielles extractives au Canada et à l’étranger. En tant que citoyennes et citoyens du Canada, nous possédons des émissions de gaz à effet de serre par habitant parmi les plus élevées du monde. Le fardeau le plus lourd du changement climatique qui en résulte retombe sur les communautés vulnérables qui ne contribuent pas aux émissions et ne bénéficient pas non plus des activités économiques qui les causent.
Le pape François a donc déclaré : « Il faut que les pays développés contribuent à solder cette dette, en limitant de manière significative la consommation de l’énergie non renouvelable et en apportant des ressources aux pays qui ont le plus de besoins, pour soutenir des politiques et des programmes de développement durable. » (Laudato Si’, 52).
En ce qui a trait à la vaccination contre la COVID-19, le Canada devrait également en faire davantage. Notre richesse nationale nous a permis de préacheter plus de 350 millions de doses de vaccin, soit environ neuf par citoyen.ne. Ainsi, 13% de la population mondiale s’est accaparé plus de la moitié de l’approvisionnement mondial en vaccins3, malgré un accès fiable à des produits nettoyants, à de l’eau potable, à des installations de soins de santé, à des filets de sécurité sociale, ainsi qu’à l’espace et à la technologie nécessaires pour pratiquer la distanciation sociale, éléments dont une grande partie du monde est dépourvue. Alors que toutes les personnes adultes consentantes au Canda seront probablement vacciné.e.s en quelques mois, même les médecins de nombreux pays ne verront pas de vaccin avant l’année prochaine et beaucoup d’autres pourraient finir par attendre jusqu’en 2023 pour être vaccinés. En effet, comme le déplore le Pape François, « Certaines parties de l’humanité semblent mériter d’être sacrifiées par une sélection qui favorise une catégorie d’hommes jugés dignes de vivre sans restrictions. » (Fratelli Tutti, 18).
C’est dans ce contexte injuste et inéquitable que Développement et Paix et ses partenaires de Coopération Canada demandent au Canada non seulement d’atteindre, mais de dépasser son objectif d’APD afin qu’elle ne représente pas 0,7 % mais 1 % de notre RNB. Nous devons plus que les miettes de notre table à celles et ceux à qui nous sommes redevables !
1) https://www.fr24news.com/fr/a/2020/11/les-canadiens-assis-sur-le-plus-gros-tresor-dargent-jamais-enregistre-la-cibc-3.html
2) https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2020/10/07/covid-19-to-add-as-many-as-150-million-extreme-poor-by-2021
3) https://www.vaticannews.va/fr/monde/news/2021-01/acces-vaccin-anticovid-pays-pauvres.html