Par Minaz Kerawala, Conseiller en communication et relations publiques
Aujourd’hui, 7 octobre 2024, s’achève une année d’horreurs à Gaza. Comme l’a souligné le pape François la semaine dernière (lire la transcription en anglais), cette annus horribilis a été « marquée par des souffrances croissantes, les actions militaires destructrices continuant à frapper le peuple palestinien ».
Il y a un an, le Hamas a tué plus de 1 000 Israélien·ne·s et en a pris plus de 200 en otage. Développement et Paix – Caritas Canada a dénoncé l’outrage sans équivoque.
Les représailles d’Israël ont été rapides, brutales et implacables. En janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) notait qu’elles avaient « fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et causé la destruction d’habitations, d’écoles, d’installations médicales et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des déplacements massifs de population ».
Une année à nourrir l’espoir
Bien que la situation se soit considérablement aggravée depuis, nos partenaires n’ont pas relâché leurs efforts pour fournir de la nourriture, des abris, des services médicaux et un soutien psychosocial aux personnes assiégées, endeuillées et dépourvues de tout à Gaza.
Caritas Jérusalem a affirmé (lire le communique en anglais), « Nous restons engagé·e·s dans notre mission de paix et d’espoir ». Expliquant la source de leur optimisme, ils ont ajouté : « Comme les disciples qui ont été témoins du pouvoir du Christ sur la tempête, nous nous accrochons à la foi, croyant que la paix peut prévaloir même dans les moments les plus sombres. »
Voici un aperçu de la manière dont Caritas Jérusalem a nourri l’espoir au cours de l’année passée :
Plus d’un an de gestation
Le conflit actuel, bien qu’enflammé par un paroxysme de violence il y a un an, remonte à bien plus longtemps. Pour mieux comprendre son contexte et son histoire, ainsi que la manière dont nos partenaires et nous-mêmes y répondons, vous êtes invité·e·s à vous inscrire à notre Webinaire sur la Palestine, qui se tiendra le samedi 19 octobre à 13 h (HE).
Le père David Neuhaus, érudit jésuite, retracera l’histoire et les antécédents du conflit. M. Anton Asfar, secrétaire général de Caritas Jérusalem, présentera la situation actuelle. M. Nagui Demian, coordonnateur des programmes internationaux, expliquera comment les contributions canadiennes permettent à nos partenaires de réagir et Mme Hélène Gobeil, notre directrice des communications et des campagnes, résumera notre travail de plaidoyer.
Une année de conflit meurtrier
Les efforts de nos partenaires sont d’autant plus louables que les circonstances sont sombres.
Au moins 41 802 personnes ont été tuées et 96 844 ont été blessées au cours de l’année écoulée à Gaza (lire le rapport en anglais). Les chiffres réels pourraient être bien plus élevés. En juillet 2024, des experts utilisant des méthodes épidémiologiques robustes ont estimé le nombre de morts à 186 000 (lire la correspondance en anglais). La semaine dernière, un groupe de médecins, d’infirmières et de sages-femmes américains écrivant au président Biden a estimé que 5,4 % de la population de Gaza pourrait avoir été tuée (lire la lettre en anglais).
Ces chiffres bruts cachent de nombreuses horreurs. Il y a six mois, plus de 2 % des enfants de Gaza avaient été tués ou blessés (lire le rapport en anglais). Le mois dernier, le ministère de la santé de Gaza a publié les noms de 34 000 personnes tuées jusqu’en août 2024. Les 14 premières pages de cette liste de 649 pages contenaient des bébés de moins d’un an, et le premier adulte n’apparaissait qu’à la 215e page. Aujourd’hui, Oxfam rapporte qu’Israël a tué plus de femmes et d’enfants à Gaza cette année qu’au cours de n’importe quelle période d’un an dans n’importe quel conflit au cours des deux dernières décennies.
Parmi les victimes figurent plus de 300 travailleuses et travailleurs humanitaires (voir le rapport en anglais), dont nos collègues de Caritas Jérusalem Viola Al ‘Amash et Issam Abedrabbo ; 1 151 travailleuses et travailleurs de la santé (lire l’article en anglais), dont au moins trois médecins décédés pendant leur détention (lire le communiqué de presse en anglais) ; et plus de 400 enseignant·e·s (lire le rapport en anglais).
Le carnage ne s’est pas non plus limité à Gaza. Au cours de l’année écoulée, les forces israéliennes et les colons ont tué 695 Palestinien·ne·s en Cisjordanie (lire le rapport en anglais). Israël a également tué 1 699 personnes et en a blessé 9 781 autres au Liban (lire le rapport en anglais) et a mené des frappes aériennes meurtrières en Syrie, en Iran et en Irak (lire l’article en anglais). L’une de ses récentes frappes au Yémen a été qualifiée par Human Rights Watch de possible crime de guerre.
Une année de dévastation et de privation
Les agressions israéliennes ont également fait payer un lourd tribut aux infrastructures et à la sécurité alimentaire de Gaza.
Dans ce que les experts des Nations Unies ont qualifié de « scolasticide » intentionnel, les bombardements israéliens ont directement touché, endommagé ou probablement endommagé 94,7 % des écoles de Gaza (lire le rapport en anglais).
Plus de 68 % du réseau routier a été endommagé ou détruit (lire le rapport en anglais), de même que plus de 63 % des bâtiments. Cela a produit 14 fois plus de débris que le total combiné généré par tous les autres conflits depuis 2008 (lire le communiqué de presse en anglais).
Plus de 500 attaques israéliennes contre des établissements de santé n’ont pas laissé un seul hôpital intact dans la bande de Gaza. Avec moins de la moitié des hôpitaux et des centres de santé primaire restant partiellement fonctionnels (lire le rapport en anglais), l’ONU entend parler d’amputations à domicile à l’aide de couteaux de cuisine et d’hôpitaux de fortune dans des stationnements (écouter le point de presse en anglais).
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) signale que plus des deux tiers des terres cultivées ont été endommagées, que près de 95 % du bétail est mort, que seulement 1 % des têtes de volaille sont encore en vie et que la plupart des bateaux de pêche du port de Gaza ont été détruits (lire rapport en anglais). La FAO avertit : « Le risque de famine persiste pour 2,1 millions de résidents ayant toujours un besoin urgent d’aide alimentaire et de moyens de subsistance, l’accès de l’aide humanitaire restant limité. »
Pour aggraver la situation, plus de 1,4 million de personnes n’ont pas reçu de rations alimentaires le mois dernier, alors que 100 000 tonnes de nourriture n’ont pas pu être livrées en raison de blocages ou de problèmes de sécurité (lire le communiqué en anglais).
Une année de déformation des faits et d’intimidation
Pour ne rien arranger, de nombreux médias occidentaux ont minimisé ou déformé les souffrances de la population de Gaza.
Par exemple, les chiffres concernant les victimes sont souvent rapportés avec l’avertissement qu’ils proviennent du « ministère de la santé dirigé par le Hamas », insinuant ainsi qu’ils sont ipso facto peu fiables. Une telle formulation n’est jamais appliquée aux chiffres d’un autre gouvernement. Et ce, bien que les experts aient conclu depuis longtemps qu’il n’existe aucune preuve que les chiffres de mortalité du ministère de la santé de Gaza soient gonflés (lire la correspondance en anglais) et que les agences des Nations Unies s’appuient régulièrement sur ces chiffres.
Il a été noté que les choix linguistiques des médias, en particulier l’utilisation de la voix passive, ont servi à diminuer la détresse des Palestinien·ne·s et à absoudre les agresseurs de toute responsabilité (lire l’article en anglais). Plus grave encore, certains des plus grands médias du monde ont été accusés par leur personnel de faire preuve de partialité, d’appliquer une politique de deux poids, deux mesures et de violer les principes journalistiques dans leur couverture du conflit israélo-palestinien (lire le reportage en anglais).
Pendant ce temps, les manifestant·e·s propalestinien·ne·s sur les campus sont confronté·e·s à ce que le rapporteur spécial des Nations Unies, Gina Romero, a qualifié d’« environnement hostile généralisé ». Selon elle, « la répression brutale du mouvement de protestation dans les universités constitue une menace profonde pour les systèmes et les institutions démocratiques… » (lire la déclaration en anglais). Dans certaines régions du Canada, cette répression a été draconienne et inquiétante (lire l’article en anglais).
Une année de plaidoyer
Au cours de l’année écoulée, nous avons été inspirés dans notre action de plaidoyer par l’appel lancé très tôt par le pape François aux croyant·e·s de « ne prendre qu’un seul parti dans ce conflit : celui de la paix ». Nous sommes également guidé·e·s par ses appels constants à la communauté internationale, réitérés pas plus tard qu’hier, pour mettre fin au cycle de la violence par un cessez-le-feu et le rapatriement des otages. Enraciné dans l’Enseignement social de l’Église, notre plaidoyer est également conforme aux principes de la proportionnalité de la légitime défense et du devoir de protéger les innocents qui sont énoncés dans le Compendium de la doctrine sociale de l’Église.
Au Canada, la cause n’a pas été facile. Le Canada s’est montré tiède face à l’affaire en cours devant la CJI sur la question de Gaza. Il est déplorable que le Canada se soit également abstenu de voter sur la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, soutenue à une écrasante majorité le mois dernier, qui appelait à la fin de l’occupation illégale des territoires palestiniens par Israël dans un délai d’un an.
Pourtant, il y a eu quelques succès. En mars 2024, le Parlement a adopté une motion demandant au gouvernement de cesser les exportations d’armes vers Israël. La ministre Joly a depuis annoncé la suspension de certaines livraisons d’armes, mais la question mérite d’être clarifiée (lire l’analyse en anglais). Cette victoire modérée et les appels répétés de nos partenaires à la solidarité mondiale nous incitent à réaffirmer notre position de principe et de plaidoyer.
Nous demandons au gouvernement du Canada de :
- utiliser tous les moyens moraux, diplomatiques, politiques et économiques pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza et au Liban, ainsi que le retour en toute sécurité de tous les otages israélien·ne·s et des Palestinien·ne·s détenus illégalement ;
- obliger Israël à permettre la circulation sans entrave et en toute sécurité de l’aide humanitaire et des travailleuses et travailleurs humanitaires dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et au Liban ;
- s’engager clairement et publiquement à décréter un embargo complet sur toutes les livraisons canadiennes d’armes, de systèmes d’armes, de composants d’armes et de technologies militaires et paramilitaires à Israël, y compris par l’intermédiaire d’autres pays ;
- s’engager clairement et publiquement à soutenir toutes les procédures de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice en cours et à faire appliquer les ordonnances et les décisions de ces tribunaux ;
- soutenir les résolutions des Nations Unies qui dénoncent ou tentent de limiter l’occupation continue des territoires palestiniens par Israël et sa persécution du peuple palestinien ;
- œuvrer en faveur d’un processus de médiation internationale visant à garantir une paix juste et durable pour les peuples de Palestine et d’Israël ;
- être prêt à intensifier l’action diplomatique si les lignes d’action en vigueur ne parviennent toujours pas à modifier le comportement d’Israël.
La réponse chrétienne et comment vous pouvez aider
Comment marquer cette journée solennelle et comment aborder cette tragédie en cours ?
Le pape François a appelé à l’observation d’une journée de jeûne et de prière. Son éminence le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, a souligné l’importance de « garder nos cœurs libres de toute forme de peur et de désir de colère ».
L’un des prédécesseurs du cardinal, Sa Béatitude Michel Sabbah, qui fut le premier patriarche latin de Jérusalem d’origine palestinienne, offre une vision chrétienne puissante pour la compréhension et la résolution de ce conflit. Son groupe, appelé Réflexion chrétienne de Jérusalem, vient de publier un document intitulé Garder l’espoir.
Affirmant qu’on ne connaîtra « la paix que lorsque la tragédie du peuple palestinien aura pris fin », le document exhorte les chrétien·ne·s à se tenir « aux côtés de toute personne, musulmane, juive et chrétienne, qui cherche à mettre fin à la mort et à la destruction », en leur rappelant que la foi « nous pousse à dire la vérité et à nous opposer à l’injustice ».
Nous vous invitons donc à parler de cette question à votre famille et à vos amis. Demandez à votre personne députée de soutenir nos demandes de plaidoyer. Téléchargez notre lettre type pour commencer.
Enfin, pensez à faire un don généreux pour soutenir le travail de nos partenaires qui sauve des vies et nourrit l’espoir en Terre Sainte.