Un avent de secours : l’histoire de la famille Khawam-Tarabishi

Par Jenny Connelly, coordonnatrice des communications, Archidiocèse catholique d’Edmonton

Notre dernier récit de cet avent est l’entrevue suivante, qui a d’abord paru en anglais sous le titre Apostles in Wartime: Syrian family flees their homeland (Apôtres en temps de guerre : Une famille syrienne fuit sa patrie) sur le site de l’Archidiocèse catholique d’Edmonton le 23 mars 2023. Elle est reproduite ici avec leur aimable autorisation. Un récit abrégé du voyage de la famille présentée a également été partagé dans l’envoi de Noël envoyé aux membres de Développement et Paix ― Caritas Canada au début du mois.

Advent story: Rym Khawam and her family recount how the Caritas network helps displaced people in the Middle East.
Histoire de l'avent : Rym Khawam et sa famille racontent comment le réseau Caritas aide les personnes déplacées au Moyen-Orient.

En 2015, Rym Khawam et sa famille ont fui la guerre en Syrie , laissant derrière eux leur patrie, leur famille et leurs ami·e·s. Ils ont été accueillis à Edmonton en tant que réfugiés avec l’aide de Catholic Social Services (voir site en anglais) et de la paroisse Saint-Tomas-More (voir site en anglais).

Rym, son mari Mansour Tarabishi et leurs trois enfants, Jalal, Danielle et Samir, racontent l’histoire poignante de leur départ de leur pays déchiré par la guerre, l’impact de Caritas Internationalis sur les efforts de secours en Syrie et la façon dont leur foi en Christ les a fortifiés dans les moments de danger et de chagrin.

Le dimanche de la solidarité (26 mars), nous sommes invités à nous joindre à Développement et Paix ― Caritas Canada dans la prière et à envisager de soutenir le travail humanitaire et d’intervention d’urgence de Caritas dans des pays comme la Syrie.

Comment était la communauté catholique en Syrie ?

Nous vivions à Alep, la ville la plus proche du patriarche d’Antioche.* En tant que catholiques vivant si près des anciens lieux de la chrétienté, nous nous sentons toujours responsables de la diffusion de la parole de Jésus.

En tant que Syriens catholiques, nous avons essayé de ne rien oublier de nos traditions, d’autant plus que les catholiques sont une minorité dans un pays majoritairement musulman. Seulement 3 % de la population syrienne est catholique, nous devons donc être forts dans notre catholicisme.

À Alep, il est vraiment remarquable de constater à quel point notre vie spirituelle était diversifiée et enrichissante en tant que catholiques. Notre vie religieuse faisait partie intégrante de notre vie sociale. Pendant le Carême, tout le monde jeûne. Les gens ne mange pas de viande. En tant que catholiques, nous faisons tout ensemble. Nous nous encourageons les uns les autres.

Nous fréquentions de nombreuses églises catholiques. Dans un rayon d’un kilomètre autour de notre maison, il y avait probablement 13 églises de notre confession.

En Syrie, les catholiques sont donc pieux et la foi est prise très au sérieux ?

Oui ! Mes trois enfants participaient à trois études bibliques chaque fin de semaine, puis nous allions tous à la messe le dimanche. Nous étions tous ensemble, une grande famille catholique.

La religion est un élément essentiel de notre vie en en Syrie.

« Nous avons élevé nos enfants pour qu’ils soient des apôtres. Nous sommes tous des apôtres. Nous considérons tous les habitants du Moyen-Orient comme des apôtres de Jésus. C’est pourquoi Jésus est présent dans chaque détail de notre vie. »

Ma fille Danielle, qui a 20 ans, est douée pour la peinture. Il y a beaucoup de choses qu’elle pourrait représenter dans son art, mais elle a composé une icône de la Sainte Famille. Notre foi est donc toujours au premier plan.

Nous avons beaucoup de vocations sacerdotales en Syrie. Notre vie religieuse est tout pour nous, c’est pourquoi beaucoup d’hommes veulent devenir prêtres. À Alep, il y a plus de 150 prêtres.

C’est une fierté. Nous sommes fiers d’être catholiques !

Quels sont les événements qui vous ont amené à quitter la Syrie ?

Nous n’étions pas en sécurité. Nous avons été témoins de la guerre pendant plus de trois ans. Il y a eu beaucoup de morts parmi les civils. Beaucoup de nos amis, leurs enfants. Beaucoup de gens sont morts.

À cause des bombardements, il n’y avait plus d’eau potable. Il n’y avait plus d’électricité. Il faisait très froid. Il n’y avait pas de nourriture. Notre ville était assiégée en raison des rébellions dans les régions voisines. La nourriture et les produits de base nécessaires à la vie ne parvenaient pas à Alep.

« Alep était le centre d’une des grandes batailles. Nous étions pris au piège. Au début de la guerre, j’ai caché dans une boîte de la confiture et des biscuits pour les enfants, juste au cas où nous n’aurions plus rien à manger. Et pendant près de 40 jours, il n’y a pas eu de nourriture. Nous avons dû manger tout ce que nous avions conservé. »

Nos églises ont été détruites par plusieurs bombes. Notre propre maison a été exposée à de nombreux obus, de nombreuses bombes, mais nous devions quand même aller travailler parce que nous avions besoin d’argent. J’étais instructrice de laboratoire à l’université d’Alep. Je suis ingénieure. Mon mari est également ingénieur et il devait lui aussi aller travailler. Son atelier se trouvait au milieu d’une zone où des rébellions étaient organisées. Il risquait donc sa vie chaque jour pour aller travailler.

Un jour, un missile est entré dans notre maison par l’une des fenêtres. J’étais à la maison avec les enfants, qui étaient encore si jeunes. J’ai dit à mon mari, parce qu’il ne voulait pas partir, que nous devions quitter la maison.

Mais il n’est pas facile de partir. Tout le monde aime son pays. C’est la routine. Ce sont les racines. C’est la vie. Il n’est pas facile, après avoir été avec sa famille, avec ses proches, de décider, en une seconde, de partir. Ce n’est pas du tout facile.

D’abord, nous avons déménagé chez ma mère, dans une zone plus protégée. Puis je me souviens du dimanche de Pâques 2014. Nous étions cinq dans la voiture pour aller à la messe. Nous avons écouté et nous avons entendu le bruit d’une petite bombe. Nous ne savions pas ce qui s’était passé. Mais le missile était à l’intérieur de notre voiture. Nous ne savons pas comment il est arrivé là. Nous sommes sortis, mais nous n’étions pas en sécurité. J’ai la chair de poule en y pensant.

Danielle, la fille de Rym, ajoute :

Nous avons dû changer d’école trois fois à cause des bombardements. L’une de ces fois, nous avons fait l’école dans un sous-sol. Nous devions tous porter des lampes frontales, comme les mineurs, pour pouvoir voir dans le sous-sol, car il n’y avait pas d’électricité. Pendant les cours, on voyait tous les élèves avec ces grosses lampes sur la tête, en train de regarder le tableau. C’était assez drôle.

Rym reprend :

Mon mari a dit : « D’accord, nous ne pouvons plus prendre ce risque ». Nous avons donc déménagé au Liban. Nous avions un ami qui vivait à Edmonton et qui nous a dit que le Canada était prêt à aider les réfugiés syriens. Nous nous sommes immédiatement inscrits auprès de l’UNICEF.

Après un an, nous sommes arrivés à Edmonton. Les Catholic Social Services (CSS) nous ont soutenus. Le CSS a contacté l’église Saint-Tomas-More et, heureusement, les paroissiens ont fait des dons et ont parrainé des familles. Nous avons eu la chance de faire partie de ces familles.

Lorsque nous sommes arrivés à Saint-Tomas-More, nous avons trouvé un cœur ouvert. Nous étions entourés de nombreuses familles. Elles nous encadraient. Nous ne connaissions rien à la culture canadienne. Cette communauté nous enseignait tout de A à Z. Et grâce à eux, nous avons réussi. Je remercie Dieu pour cela.

Maintenant, nous assistons toujours à la messe à Saint-Tomas-More, car notre première messe au Canada a eu lieu là-bas lorsque nous sommes arrivés en décembre 2015. C’était l’un de nos premiers souvenirs, assister à la messe de la veille de Noël ici au Canada.

Quel rôle a joué Caritas dans votre déménagement au Canada ?

Nous avons découvert les efforts de Caritas pendant la guerre d’Irak. La Syrie a une frontière commune avec l’Irak, et la guerre était donc très proche. De nombreux réfugiés irakiens sont arrivés en Syrie. Je me souviens d’avoir vu le travail de Caritas et de m’être dit : « Ouah, ils font du bon travail. Qui sont ces gens ? »

Et puis la guerre syrienne a commencé à Alep. Il n’y avait plus d’argent, plus de travail, plus de nourriture, plus de médicaments, plus d’hôpitaux, plus d’eau, plus rien. Caritas a joué un rôle important dans cette horrible situation. Je n’ai pas eu de contact direct avec Caritas, mais ils aidaient les gens autour de nous, beaucoup de gens que nous connaissions.

Ils apportaient d’énormes conteneurs d’eau pour que chaque foyer puisse disposer d’une réserve d’eau. Il n’y avait pas de médicaments pour les malades ; Caritas importait des médicaments de partout. Vous pouviez aller dans une pharmacie gérée par Caritas et ils vous donnaient des médicaments gratuitement.

Ils préparaient des repas chauds. Ils préparaient les besoins de base de chaque personne et ne demandaient pas d’argent. Vous n’aviez pas besoin de prouver qui vous étiez. Ils donnaient des draps à tous ceux qui n’en avaient plus. Ils ont distribué des paniers de nourriture, avec suffisamment de nourriture pour les familles nombreuses. Caritas a été extraordinaire dans ses interventions d’urgence.

À un moment donné, les églises d’Alep ouvraient leurs portes pour que Caritas puisse y travailler. Un couvent de religieuses a été évacué pour pouvoir être utilisé par Caritas.

Lorsque nous étions réfugiés au Liban, avant d’arriver au Canada, Caritas organisait des cliniques pour nous aider. Ils étaient extraordinaires.

Comment votre foi catholique vous a-t-elle aidé à effectuer ce déplacement bouleversant vers un nouveau pays ?

Lorsque la guerre a éclaté en Syrie, nous nous sommes demandé, comme tous les catholiques syriens, « Pourquoi cela arrive-t-il ? » Nous n’avons rien à voir avec cette guerre. Nous n’y croyons pas. Alors pourquoi cette catastrophe nous frappe-t-elle ?

Je me souviens que le jour de la première eucharistie de ma fille Danielle, l’évêque disait la messe et l’église a été bombardée. Nous nous cachions dans la chapelle du sous-sol de l’église. Le bombardement a fait tomber l’évêque pendant la messe.

Nous savons que Jésus nous aime. On ne sait pas quand on verra sa main nous tenir. Je m’en souviens parce que nous avons eu beaucoup de moments d’hésitation. Pourquoi, Jésus, as-tu laissé faire cela ? Et il y a eu la décision difficile de quitter la Syrie. Nous avons ressenti un conflit dans nos esprits. Nous avons demandé à un prêtre : « Sommes-nous en train de trahir notre peuple, notre Église en voulant partir ? »

Comme nous sommes une minorité en Syrie, nous avons été encouragés à continuer, à continuer à représenter notre religion, à continuer à refléter les paroles de Jésus au travail.

Nous étions donc dans la confusion. Sommes-nous en train de trahir notre responsabilité ? Le prêtre m’a dit que nous devions être fiers du plan de Dieu pour notre famille, qui consiste à répandre sa parole et à parler des chrétiens du Moyen-Orient, dans le monde entier. Vous ne trahissez donc personne. « Dieu a un plan pour votre famille, alors allez au-delà de la Syrie. »

Il y a eu de nombreux moments où j’ai prié et remercié Dieu pour ce à quoi il nous a appelés en tant que famille ici au Canada.

Le départ de votre vie en Syrie a dû vous causer beaucoup de chagrin. Comment n’avez-vous pas perdu confiance en Dieu au milieu de toute cette incertitude et de cette peur ?

Je ne dirais pas que nous avons perdu totalement la foi en Christ, mais il y a eu des moments d’hésitation.

Lorsque les disciples étaient dans la barque et qu’il y avait une tempête, ils demandaient à Jésus : « Aide-nous, s’il te plaît » et il leur répondait : « Calmez-vous, calmez-vous, vous devez avoir la foi ». Le fait de toujours aller à l’église nous protège donc de ce manque de confiance.

Notre première année au Canada a été très difficile, mais tant de familles et de parrains se sont rassemblés autour de nous à Saint-Tomas-More. Ils nous écoutaient et priaient avec nous, ce qui a renforcé notre foi en Dieu.

Lorsque nous sommes arrivés à la paroisse Saint-Tomas-More, nous avons eu la chance que le Père Mitch (Fidyka) soit présent. C’était une personne formidable et dans ses homélies, il disait toujours que si vous voulez connaître Dieu, vous devez venir lui rendre visite dans sa propre maison. Et cela signifie venir à l’église.

Que pensez-vous du tremblement de terre en Syrie et en Turquie ?

Je ne sais pas ce que la Syrie ferait sans Caritas. Caritas est présente dans cinq villes de Syrie, car les besoins sont énormes. Les gens sont humiliés parce qu’ils n’ont rien. Une guerre, et maintenant ce tremblement de terre – Caritas a fait beaucoup pour les aider.

Malheureusement, en raison des sanctions politiques contre la Syrie, nous ne pouvons pas envoyer d’argent dans ce pays. La seule organisation caritative qui était prête à répondre à l’urgence du tremblement de terre était donc Caritas. Avec les sanctions, les gens ont passé plus de 100 jours sans rien. C’est Caritas qui était prête à aider directement les gens, malgré les sanctions.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager au sujet de votre foi catholique et de votre déménagement au Canada ?

Personnellement, je suis toujours impressionnée. Nous sommes fiers d’être catholiques et chrétiens. Et quand je suis venue au Canada, j’ai découvert que notre foi est répandue dans le monde entier. Elle est suffisamment forte. Nous n’avons pas à nous inquiéter de la foi chrétienne.

« Les chrétiens d’Edmonton sont comme la graine de moutarde. Nous avons de vrais chrétiens ici. »

Ils poussent comme la graine de moutarde, comme l’a dit Jésus. Quels que soient les obstacles, les problèmes dans le monde, notre communauté chrétienne continue d’avancer, d’aller de l’avant. Et lorsque nous avons rencontré l’archevêque (Richard) Smith ici à Edmonton, c’est ce qu’il a dit. Que notre foi chrétienne est forte, ici et en Syrie.

Rym Khawam a longtemps enseigné l’ingénierie informatique à l’université d’Alep et, après avoir obtenu un diplôme d’éducation à l’université d’Alberta, elle est actuellement enseignante à l’école Quatre-Saisons à Beaumont, en Alberta.

Rhym Khawam et sa famille sont membres de l’Église catholique grecque melkite et sont actuellement paroissiens de l’église Saint-Tomas-More à Edmonton. Ils soutiennent également la communauté syrienne catholique d’Edmonton par l’intermédiaire de l’église catholique melkite Saint-Nicolas (voir site en anglais).

(Cet entrevue a été éditée pour plus de clarté et de concision)

* Antioche est l’une des premières communautés chrétiennes fondées par saint Paul, et c’est le premier endroit dans l’histoire où les chrétiens ont été appelés « chrétiens ».


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