Par Minaz Kerawala, Conseiller en communications et relations publiques
Alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres.
Jean 8,32
Aux yeux de certains au Honduras, Víctor Vásquez est un fauteur de troubles habituel. Il se met en travers des plans des puissants hommes d’affaires. Il pense que les pauvres ont des droits. Il fait la lumière sur ce que beaucoup préféreraient garder dans l’ombre. Et il ne se tait jamais. Pas même quand on lui tire dessus !
Pour son peuple indigène Lenca, Víctor est une personnification de la quête de justice.
Un défenseur irrépressible des droits
Víctor est membre du Consejo Indígena de Simpinula (Conseil indigène de Simpinula) et leader du Movimiento Indígena Independiente Lenca de La Paz (Mouvement indigène lenca de La Paz, Honduras – MILPAH) au Honduras. À ce titre, il défend les droits de son peuple sur ses terres ancestrales et l’aide à résister à leur privatisation illégale.
Pour cette audace, Víctor et de nombreux autres défenseurs des droits autochtones et humains comme lui sont menacés et persécutés depuis des années. Víctor a même reçu une balle dans le genou lorsque l’armée a violemment dispersé une manifestation de paysans en janvier 2017.
Sans surprise pour ceux qui le connaissent, Víctor est resté déterminé. Ses récents malheurs ont été documentés par Mary Lawlor, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains (voir le rapport original en espagnol).
Une incarcération injuste
En 2018, les paysans pauvres de Nueva Esperanza ont poussé un soupir de soulagement lorsque l’État a reconnu leur titre foncier sur le petit terrain qui leur permettait de gagner à peine de quoi vivre. Mais leur joie fut éphémère.
De puissants hommes d’affaires locaux qui avaient des visées sur leurs terres ont commencé à envoyer des voyous armés pour menacer les 32 familles de paysans, pour occuper et bloquer l’accès à leurs terres et pour détruire leurs cultures et leur bétail. Les plaintes officielles répétées étant restées lettre morte, la communauté a demandé l’aide du groupe de Víctor, qui a porté l’affaire devant les autorités locales.
Piqués au vif par cette intervention, les entrepreneurs ont allégué que le 20 juillet 2020, Víctor et son collègue, José Santos Vigil Girón, ont pénétré illégalement dans leur propriété et l’ont endommagé. Víctor et José, qui affirment qu’ils n’étaient même pas présents dans les environs à cette date, ont été arrêtés sur la base de fausses accusations de dommages criminels et de vol aggravé en décembre 2020 et placés en « détention préventive ».
Une longue lutte
Les accusations de vol et de dommages ont été rejetées pour manque de preuves, mais paradoxalement, une accusation de déplacement forcé, dont la communauté était en fait la victime, a été portée contre Víctor et José !
Heureusement, leur cas a été pris en charge par le partenaire de Développement et Paix ― Caritas Canada, le Centro Hondureño de Promocion Para el Desarrollo (le Centre hondurien de promotion du développement communautaire, CEHPRODEC).
Depuis plus d’une décennie, la générosité et la solidarité des Canadiennes et des Canadiens permettent à Développement et Paix d’aider le CEHPRODEC à former, à soutenir et à sauvegarder les droits humains, sociaux, culturels, économiques et environnementaux de nombreuses communautés vulnérables du Honduras.
L’équipe juridique du CEHPRODEC a représenté Víctor et José tout au long de la tortueuse procédure judiciaire. Alors que les audiences se succédaient en leur défaveur, Víctor et José ont langui en prison. Pendant ce temps, le CEHPRODEC a également aidé à organiser des manifestations devant les salles d’audience, attirant l’attention locale et internationale sur cette affaire.
Les Canadiennes et les Canadiens ont eux aussi découvert cette histoire lorsqu’elle a été mise en lumière dans le cadre de notre actuelle campagne Les gens et la planète avant tout.
Enfin la liberté
Finalement, après des mois de batailles juridiques inégales contre un système judiciaire qui semblait s’acharner contre eux, le CEHPRODEC a obtenu la libération de Víctor et José le 15 octobre 2021.
Lors de ses premiers moments de liberté, entouré de supporters en liesse, Víctor a déclaré : « Je remercie Dieu en premier lieu. Je remercie également l’équipe juridique qui a pris en charge ma défense… »
Plaçant la préoccupation de son organisation pour Víctor et José dans son contexte plus large, le directeur exécutif du CEHPRODEC, Donald Hernandez Palma, a déclaré : « CEHPRODEC soutient depuis longtemps la cause de la défense des droits des peuples autochtones dans la région de La Paz … où nous avons d’abord accompagné les leaders… pour qu’ils reprennent possession des titres que l’État hondurien leur avait déjà accordés. »
Víctor a ajouté avec gratitude : « Dans ce centre pénitentiaire, je ne me suis pas senti seul, je me suis senti fort grâce à la chaleur et au soutien apportés par tous mes frères et mes sœurs aux niveaux national et international. »
Plus de luttes, et un peu d’espoir
Bien que Víctor et José soient libres, les chefs d’accusation sont toujours retenus contre eux. Le CEHPRODEC continuera à les défendre, ainsi que plusieurs autres défenseurs des droits humains confrontés à des intimidations similaires par le biais de l’abus de la loi.
Il y a cependant un certain espoir que le vent tourne au Honduras.
Lors des élections de novembre 2021, Xiomara Castro, du parti de gauche, le Libre, a été élue présidente sur un programme progressiste. Son parti, qui bénéficie d’un fort soutien parmi les Lenca, a promis de lutter contre la corruption et de soutenir des programmes sociaux en faveur des pauvres.
Tout en faisant preuve d’un optimisme prudent, le CEHPRODEC, comme d’autres groupes de la société civile, reste vigilant.
Pour continuer à aider les personnes les plus vulnérables à défendre leurs droits précaires, nos partenaires au Honduras et partout dans le monde ont besoin de votre soutien.