Par Randy Haluza-DeLay, animateur pour le centre de l’Ontario
La semaine dernière, la gouverneure générale Mary Simon a donné la sanction royale au projet de loi C-226, qui traite de la justice environnementale et du racisme au Canada. Ce projet de loi exige la création d’une stratégie nationale de justice environnementale pour tenir compte des effets du racisme environnemental, un problème systémique qui fait que les communautés autochtones, noires et racisées sont plus touchées que les autres par les risques environnementaux.
La justice environnementale exige que l’on prenne en considération la manière dont les personnes marginalisées, telles que celles qui vivent dans la pauvreté ou sont mal logées, les travailleuses et travailleurs, les travailleuses et travailleurs agricoles saisonniers, les femmes et d’autres, sont également touchées de manière disproportionnée par des problèmes environnementaux comme l’insalubrité de l’eau potable, la pollution, les déchets toxiques, le changement climatique, le manque d’espaces verts, l’exposition aux risques sur le lieu de travail, et d’autres dangers encore.
La Dre Cheryl Teelucksingh, chercheuse sur le racisme environnemental à l’Université métropolitaine de Toronto (voir profil en anglais), a déclaré : « La stratégie nationale sur le racisme environnemental et la loi sur la stratégie en matière de justice environnementale ne sont pas de simples politiques environnementales. C’est la reconnaissance des droits humains et des liens entre l’équité, la justice sociale, l’environnement et la santé publique ». Ces droits, a-t-elle ajouté, comprennent le droit à des environnements sains et sûrs et à d’autres conditions qui permettent à la vie de s’épanouir.
Projet de loi C-226 : une législation conforme à notre point de vue
Cela signifie que la justice environnementale est tout à fait conforme à l’enseignement social de l’église catholique (ESEC) et au travail de Développement et Paix – Caritas Canada et nos partenaires internationaux. L’ESEC se fonde sur la dignité inhérente de chaque personne, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. L’intention de Dieu pour les êtres humains, et en fait pour toute la création, est qu’ils « aient la vie, la vie en abondance » (Jean 10,10). La dégradation de l’environnement a un impact sur la dignité des êtres humains et sur leur capacité à vivre une vie pleine et épanouie, comme Dieu l’a voulu.
Comme l’a déclaré le pape François dans l’encyclique Laudato Si’ : « Si nous tenons compte du fait que l’être humain est aussi une créature de ce monde, qui a le droit de vivre et d’être heureux, et qui de plus a une dignité éminente, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération les effets de la dégradation de l’environnement » (LS, 43).
De nombreuses recherches universitaires ont déjà été menées sur la justice environnementale au Canada (dont un ouvrage que j’ai codirigé en 2009 et qui a été publié par les Presses de l’Université de la Colombie-Britannique ; voir sommaire en anglais). Un rapport publié en 2020 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les produits toxiques et les droits humains a mis en évidence « une tendance au Canada où les groupes marginalisés, et les peuples autochtones en particulier, se retrouvent du mauvais côté d’un fossé toxique, soumis à des conditions qui ne seraient pas acceptables pour d’autres groupes au Canada » (voir communiqué de presse ou texte en anglais).
Projet de loi C-226 : le chemin à parcourir
Le C-226 était un projet de loi émanant d’une députée, en gestation depuis plus de dix ans. Un projet de loi très similaire avait été proposé par Mme Lenore Zann, ancienne députée, de Nouvelle-Écosse, et était mort au feuilleton deux fois lors de la dissolution du Parlement pour cause d’élections. Le projet de loi C-226 a été présenté par Mme Elizabeth May, du Parti vert, et a finalement été soutenu par le gouvernement. Le projet de loi initial de Mme Zann s’inspirait des recherches menées par la Dre Ingrid Waldron sur la pollution dans les communautés noires et autochtones de Nouvelle-Écosse. La Dre Waldron est cofondatrice de la Coalition canadienne pour la justice environnementale et climatique (CCECJ).
D’après le Projet C-226, la nouvelle loi exige l’élaboration et le suivi d’une stratégie nationale visant à remédier aux injustices systémiques associées aux risques environnementaux et à l’accès aux avantages environnementaux. Comme l’a noté le CCECJ : « Cette stratégie doit refléter les besoins des communautés et des personnes les mieux informées sur les impacts du racisme et de l’injustice environnementale, dont l’expertise contribuera à l’élaboration d’un cadre significatif pour prévenir d’autres injustices et d’autres problèmes de santé. »
Une telle orientation serait conforme aux principes de l’ESEC de solidarité (soutien aux peuples, surtout ceux qui sont marginalisés d’une manière ou d’une autre), de participation des personnes aux décisions qui affectent leur vie, et de subsidiarité (élaboration de décisions et de solutions aux niveaux les plus appropriés).
La loi exige une collecte de données formelle, nationale et systématique. Le financement et le suivi seront également des éléments cruciaux pour remédier à certaines injustices environnementales dans les villes et les paysages canadiens.
Projet de loi C-226 : pourquoi le célébrer ?
Bien que la plupart de nos partenaires et de nos projets se trouvent dans les pays du Sud et que cette loi ne s’applique qu’au Canada, elle donne une base plus solide à nos efforts de plaidoyer. De nombreux projets que nous soutenons sont directement liés à la justice écologique et d’autres comportent des éléments qui y sont liés.
Notre campagne de 2024, Cultivons nos droits, qui porte sur la lutte contre la pollution pétrolière et la protection des terres et de la sécurité alimentaire sera élargie à l’automne pour mettre l’accent sur la responsabilisation des entreprises. Ceci en plaidant en faveur d’une législation contraignante en matière de droits humains et de diligence raisonnable en matière d’environnement pour régir les entreprises canadiennes qui travaillent à l’étranger. Une telle législation obligerait à prévenir et à traiter les injustices environnementales ailleurs dans le monde.
L’ESEC ne préconise pas de politiques spécifiques, mais à Développement et Paix – Caritas Canada, nous célébrons la Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale parce qu’elle peut nous aider à mieux vivre les valeurs catholiques comme la protection de la création et la dignité et l’épanouissement de tous les êtres humains, en particulier celles et ceux qui sont confrontés à l’injustice dans leur environnement.
Lorsque nous constatons des inégalités, nous mobilisons la conception chrétienne selon laquelle toutes et tous sont égaux aux yeux et dans l’amour du Créateur. Prendre soin de notre maison commune signifie naturellement voir les inégalités associées aux avantages et aux risques environnementaux, juger qu’elles sont étrangères aux désirs de Dieu et agir pour réparer ces injustices. La nouvelle loi sur la stratégie pour la justice environnementale est un bon début.